Contrairement à l’axe Seine, plus mature, l’axe Rhône peine à décoller malgré trois années de stratégie d’axe. « Les sous-concessions visent à rendre l’axe plus compétitif et à soutenir la réindustrialisation du quart sud-est », a rappelé Fabienne Buccio, préfète de la région Auvergne-Rhône-Alpes et préfète coordinatrice de l’axe Méditerranée-Rhône-Saône. La transition passe par un désengagement progressif des Chambres de commerce au profit d’opérateurs privés.
« Notre ambition est d’accroître les trafics via des concessions confiées à des opérateurs performants dans le cadre de partenariats public-privé. Cela s’accompagne de la création d’un catalogue foncier, d’outils digitaux et d’une offre logistique clé en main », a précisé Laurence Borie-Bancel, présidente de la CNR. Plusieurs groupes (MSC, Combronde, CMA CGM, Modalis, Rhenus Partnership France) ont déjà pris pied sur l’axe.
Fin 2024, CMA CGM a acquis 67 % du terminal à conteneurs du port Édouard-Herriot à Lyon. L’armateur, troisième mondial, mise sur la réduction des ruptures de charge et l’amélioration des temps de transit. « Nous croyons en la fluidification du passage portuaire, notamment via la digitalisation », a affirmé Jean-Baptiste Lumineau, directeur adjoint des terminaux chez CMA CGM, devant un parterre de 200 chargeurs, industriels, négociants et importateurs.
Un accord avec Nike pour opérer une barge fluviale dédiée
Au Vietnam, le groupe a déjà mis en service une barge électrique pour Nike, désireux de verdir sa supply chain. « Sans visibilité ni volume, il est impossible d’augmenter les fréquences », souligne-t-il. Un point partagé par Frédérique Sperry, responsable transport amont et douane chez But Conforama : « Il faut parfois attendre trois jours pour embarquer un conteneur fluvial. ». L’enseigne, qui confie 90 % de ses importations au fleuve, utilise la navette Fos-Lyon à hauteur de 6 000 conteneurs par an.
8ème navette fluviale Fos-Lyon et Fos 3XL en vue
La fréquence de cette navette, actuellement de 7 allers-retours hebdomadaires, pourrait prochainement augmenter. « Nous allons déposer un dossier auprès de la CNR pour opérer une huitième navette, avec une neuvième en réserve », annonce Mathieu Blanc, directeur général du groupe Sogestran, armateur basé au Havre. Le port de Marseille-Fos prévoit par ailleurs d’intégrer une zone fluviale au futur terminal à conteneurs de Fos, qui devrait être concédé à MSC. Le projet d’extension du terminal Fos Graveleau sera examiné le 16 octobre par le conseil de surveillance.
Le fluvial, bien qu’encore en phase de montée en puissance, attire aussi des opérateurs routiers. Le groupe Combronde, actif sur le ferroviaire à Arles, a lancé en 2021 une navette fluviale entre Lyon Édouard-Herriot et Loire-sur-Rhône, puis entre Fos et Lyon. « Le ferroviaire est saturé à Fos. Le fluvial progresse, mais cela reste très complexe », admet Fabien Combronde, président du groupe, qui prévoit l’ouverture d’un terminal multimodal à Arles.
Pour désaturer Fos, le terminal Seayard recevra le 9 octobre un nouveau portique ferroviaire qui permettra d’augmenter les capacités de 70 %, selon son directeur Jakob Sidenius. MSC, actionnaire de Seayard, affirme de son côté que 60 % de ses flux sont aujourd’hui multimodaux, une part en hausse de 35 % en 2025 par rapport à 2024.
L’ETS européenne pourrait bien changer la répartition des modes
L’entrée en vigueur de la directive européenne sur les quotas carbone (ETS2), prévue pour 2027, pourrait accélérer le report modal.
« Nos gros clients, engagés dans des démarches RSE, sont moteurs. Mais avec les plus petits, la réactivité reste un problème », estime Marc Bourdon, directeur général France de MSC.
Sur les flux de remorques, DFDS, compagnie danoise opérant dans le transport de fret et de passager, continue de développer ses activités maritimes et ferroviaires, notamment avec le service entre Sète et Calais en wagons Modhalor. « Le rail est un levier clé de verdissement logistique. Nous suivons de près l’entrée en vigueur de la taxonomie européenne », explique Etienne Mellliani, directeur général de DFDS France.
Selon lui, la réussite du report modal dépendra d’une coordination étroite entre les acteurs, mais aussi d’un modèle économique viable. Le coût reste un frein majeur, notamment depuis la suppression de l’aide à la pince, qui amortissait les frais de manutention. Si l’écotaxe française a été abandonnée, l’ETS européen pourrait bien rebattre les cartes en 2027.