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Marseille-Fos, acteur de la décarbonation industrielle et de la mobilité verte


Rédigé le Jeudi 16 Novembre 2023 par Nathalie Bureau du Colombier


Dans le contexte actuel de bouleversements (économique, sanitaire, climatique et géopolitique), l'État a décidé de soutenir financièrement l’installation d'usines près des quais pour répondre aux enjeux de souveraineté industrielle et d'autonomie énergétique.


Terminal Fos Tonkin © Elengy
Terminal Fos Tonkin © Elengy
Au moment, où les trafics n’ont jamais été aussi bas (- 20 % pour les flux conteneurisés de janvier à fin octobre, - 30 % sur les importations de charbon et minerai de fer sur le port de Marseille-Fos), d’importants bouleversements se préparent sur la zone industrialo-portuaire. 
La nécessaire décarbonation des industries existantes et au même moment la construction de nouvelles usines pour répondre à la transition énergétique et au développement de l’économie circulaire sont en train de générer les conditions d'une nouvelle révolution industrielle.
 

Problèmes et solutions

Les ports sont à la fois les zones où se concentrent les problèmes et où émergent les solutions à venir. Près de 20 % des émissions de CO2 en France proviennent de la zone de Fos, bâtie dans les années 60/70 à l’ère du tout pétrole. À Fos, des générations d’ouvriers soudeurs, de chaudronniers, de dockers, de plombiers, d’électriciens se sont succédé sur des sites Seveso.
Aujourd’hui, les jeunes générations qui vivent sur le pourtour de l’Étang de Berre, d’Istres à Port-Saint-Louis-du-Rhône, amorcent la révolution verte. Ils possèdent la culture industrielle, vont-ils pour autant adhérer aux nouveaux projets ?  

 

11 milliards d’euros de projets et nouvelles usines

En tout état de cause, l'État fait pleuvoir les subventions sur une quantité importante de projets. Près de 11 Md€ d’investissements sont envisagés, répartis entre argent public (3 Md€) et privé (8 Md€). On prévoit 2Md€ pour GravitHy, 900 M€ pour H2V, 1,7 Md€ pour AcelorMittal Fos et Dunkerque, 1,5 Md€ pour Carbon. Du jamais vu ! Plus de 10 000 nouveaux emplois sont attendus, et autant de familles associées qu’il faudra loger et à qui il faudra offrir des écoles et des possibilités de mobilité.
Pour accompagner ces transformations, le port de Marseille-Fos mettra lui aussi la main au portefeuille avec 950 M€ d’investissements prévus au cours des dix ans à venir. 
 

Changement de la nature des trafics

Ces profondes transformations industrielles vont s’accompagner d’une modification substantielle de la composition des trafics portuaires, en particulier dans les filières de vracs liquides et solides. Un jour prochain, le brut et les raffinés, encore dominants en 2023, laisseront définitivement la place à de nouveaux produits. Depuis cet été, deux navires chargés de gypse importé d’Espagne et du Maroc ont alimenté la nouvelle usine du fabricant de plaques de plâtre Knauf France. Ce nouveau flux représente 300 000 tonnes annuelles de gypse pour une production de 30 M m2 de plaques de plâtre.

Aujourd’hui, ce sont le GNL et le BioGNL qui alimentent quelques navires. Demain, ce sera au tour du méthanol, de l’e-methane et de l’hydrogène. Quant aux vracs solides, des remplacements de matières premières ont déjà eu lieu, la biomasse s’étant substituée aux charbons pour alimenter la centrale GazelEnergie de Gardanne. Ce fut ensuite le tour d’Alteo d’importer des hydrates d’alumine plutôt que du clinker. Dans un avenir proche, la nécessaire production d’aciers verts va induire un changement majeur dans la manutention des vracs solides. Les importations de charbon et de minerai de fer vont inéluctablement chuter au profit de ferrailles recyclées afin de réduire les émissions de CO2.
Dès 2024, avec la mise en service du four à poche, ArcelorMittal Méditerranée va utiliser le Rhône pour acheminer de la ferraille depuis le port Édouard-Herriot à Lyon. Un trafic annuel qui se situera autour de 130 000 tonnes. Pour produire près de 5 Mt d’acier, ArcelorMittal importait les années fastes 9 Mt de minerai de fer et de charbon. La substitution par des ferrailles pour une production équivalente se fera à hauteur de près d’1 Mt de ferrailles en flux maritimes. 
 

Six défis majeurs

Ces enjeux de décarbonation et de réindustrialisation soulèvent six défis majeurs à relever : garantir une production énergétique suffisante, optimiser le foncier portuaire, assurer la formation et l'emploi des jeunes, favoriser l'acceptabilité des projets par les populations locales, investir dans les infrastructures, et enfin, favoriser le report modal de la route vers le rail et le fleuve, en misant sur un rapprochement des ports de l'axe Rhône-Saône Méditerranée, de Sète à Pagny en passant par Toulon, Arles, Marseille et Lyon.
A l’ère de la zéro artificialisation nette, les ports sont au confluent des paradoxes de la société. Ils doivent industrialiser tout en veillant à protéger la biodiversité et compenser le foncier lorsqu’ils aménagent de nouvelles parcelles. 




Nathalie Bureau du Colombier




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