Menu

​Marseille, carrefour de l'investissement entre l'Europe, l'Afrique et les Émirats


Rédigé le Jeudi 27 Novembre 2025 par Nathalie Bureau du Colombier


Considérée autrefois comme un pari risqué pour les investisseurs, l’Afrique est devenue désormais un marché stratégique à haut potentiel aux yeux des investisseurs. Lors de la rencontre Emerging Valley, qui s'est déroulée le 26 novembre, le groupe américain Plug & Play, en cours d’installation à Marseille, a qualifié l’Afrique comme le prochain Eldorado.


Faten Aissi, Flat6Lab, Alix Pinel d’Enko Capital Private Equity et Yves Cabanac de Plug & Play Tech Center réunis à The Camp le 26 novembre lors d’Emerging Valley. ©NBC
Faten Aissi, Flat6Lab, Alix Pinel d’Enko Capital Private Equity et Yves Cabanac de Plug & Play Tech Center réunis à The Camp le 26 novembre lors d’Emerging Valley. ©NBC
Pendant que la Chine, la Russie et les États-Unis fourbissent leurs armes commerciales et leurs engins de guerre, l’Afrique devient un terrain de convoitises, un enjeu géopolitique majeur qui séduit de plus en plus d’investisseurs. L’édition 2025 d’Emerging Valley a rassemblé sur le site de The Camp, à Aix-en-Provence, les acteurs de premier plan de la finance, du capital-investissement et de la tech engagés dans la coopération euro-africaine. Lors de la plénière intitulée "Les nouvelles routes de l’investissement entre Europe, Afrique et Méditerranée", Yves Cabanac, directeur général France, Bénélux et Afrique de Plug & Play Tech Center, plateforme américaine de financements et d’accélération de startups mondiales, a salué le rôle stratégique de la cité phocéenne dans cette reconfiguration géopolitique de l’innovation. « L’Afrique est le prochain Eldorado », a-t-il martelé devant un public composé de nombreuses startups africaines. 

Yves Cabanac, directeur général France, Bénélux et Afrique de Plug & Play Tech Center. ©NBC
Yves Cabanac, directeur général France, Bénélux et Afrique de Plug & Play Tech Center. ©NBC

« Une trajectoire aussi fulgurante, nous ne l’avions pas observée depuis les débuts de la Silicon Valley »

Avec Plug & Play, acteur historique de la Silicon Valley, présent dans 50 pays, Yves Cabanac pilote une dynamique d’open innovation avec un portefeuille de 2 400 entreprises, parmi lesquelles 35 licornes et 73 entreprises africaines. Il y a tout juste deux mois, Plug & Play Tech Center a pris ses quartiers à l’Épopée à Marseille et prévoit d’ouvrir également en 2026 une antenne au sein de la Cité de l’innovation et des savoirs d’Aix Marseille (CISAM). L’ambition étant de jeter des passerelles concrètes entre les grands groupes et les jeunes pousses d’Europe et d’Afrique. « Si l’on regarde le retour sur investissement, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Nous avons commencé à investir en Afrique en 2020. Aujourd’hui, nous comptons déjà une licorne dans notre portefeuille, Flutterwave et deux autres sont en passe de le devenir. Une telle accélération, une trajectoire aussi fulgurante, nous ne l’avions pas observée depuis les débuts de la Silicon Valley », souligne Yves Cabanac qui annonce l’arrivée de Plug & Play au Maroc en janvier 2026. Selon lui, les rendements du capital en Afrique sont  jusqu’à 200 fois supérieurs à ceux des États-Unis.

« Aujourd'hui, un dollar investi aux Etats-Unis est 5 fois moins rentable qu'un dollar investi en Europe et 200 fois moins rentable qu'un dollar investi en Afrique. Retenez bien ces chiffres. 50 % du capital investi dans le monde est investi aux Etats-Unis. Mais ce paradigme va changer », prédit-il. « Si l’on veut véritablement s’ancrer en Afrique, il faut être présent sur le terrain. Il se passe des choses remarquables un peu partout : au Maroc, en Tunisie, et aujourd’hui en Afrique subsaharienne, où l’effervescence de l’innovation est tout simplement saisissante. Mon message est clair et résolument positif : allez-y, explorez ces opportunités. Et surtout, amis investisseurs, le moment d’agir, c’est maintenant », poursuit-il. 

Mounir Ghazali, associé chez EY, chargé du consulting et basé à Tunis. ©NBC
Mounir Ghazali, associé chez EY, chargé du consulting et basé à Tunis. ©NBC

31 pays africains sur 54 ont adopté une stratégie nationale digitale

Les chiffres partagés lors d’Emerging Valley par l'Observatoire EY de l'innovation en Afrique francophone subsaharienne illustrent la maturité croissante de cet écosystème : 31 pays africains sur 54 ont adopté une stratégie nationale digitale. Cinq d'entre eux, en Afrique francophone subsaharienne, ont promulgué un Startup Act ou un SME Act pour structurer l'entrepreneuriat. L’écosystème compte désormais plus de 862 startups, plus de 100 structures d’accompagnement, 80 fonds de capital venture et 80 hubs ou fablabs. 
« Sur les 4 milliards de dollars investis ces cinq dernières années en capital en Afrique francophone subsaharienne, 60 % des projets sont à caractère innovant », a souligné Mounir Ghazali, associé chez EY, chargé du consulting et basé à Tunis.

 

OVH Cloud : du cloud souverain au Maroc, en Côte d’Ivoire et à Dubaï

Adil Tourabi, vice-président directeur commercial d’OVH Cloud, a rappelé quant à lui que la souveraineté passe par des infrastructures locales et la maîtrise de la chaîne de valeur des données. Il souligne l’ouverture prochaine de zones cloud souveraines au Maroc, en Côte d’Ivoire et à Dubaï, en février prochain. Rémi Prunier, MEA partner d’Orange Ventures, a précisé que la gouvernance des données est un indicateur-clé dans l’évaluation des startups. L’ancrage local, le choix de technologies open source et l’hébergement souverain sont devenus des critères différenciants. Il a cité l’exemple de Nucléon Security, startup européenne de cybersécurité, qui tire un avantage compétitif de l’hébergement local de ses données. Elle a levé 3 M€ en septembre dernier pour accélérer son déploiement à l’international.  « Orange Ventures, c’est 350 millions d’euros sous gestion, dont 50 millions spécifiquement dédiés à l’investissement. Nous avons donc cette double vision : un ancrage mondial et le soutien du groupe Orange qui développe également des solutions souveraines », souligne Rémi Prunier.  

« Changer de pays comme on change de bureau »

Faten Aissi, directrice des partenariats de Flat6Lab, société de capital-risque d'amorçage de la région MENA, a insisté sur l’importance de réseaux d’incubation transrégionaux sans rupture d’accompagnement. Elle alerte cependant sur les obstacles réglementaires et financiers à l’implantation au Moyen-Orient, comme les coûts élevés de création d’entreprise (jusqu’à 50 000 dollars en Arabie Saoudite). Elle milite pour l’accompagnement des startups dans leur l’expansion intercontinentale, de Tunis au Caire en passant par Riyad.

« Pour créer des corridors d’investissement véritablement solides, il est essentiel de mettre en place des programmes structurés. L’idée, c’est que le passage d’un pays à un autre ne soit pas perçu comme un changement de cadre légal, mais simplement comme un changement de bureau. Cela suppose la présence locale d’équipes, d’un réseau capable de faciliter cette transition. Accompagner, cela signifie concrètement ouvrir des portes, vers des experts-comptables et des avocats mais aussi vers des investisseurs et des entreprises partenaires. Cet accompagnement est fondamental pour assurer une plus grande fluidité dans la mobilité entrepreneuriale et renforcer les flux d’investissement dans la région », souligne Faten Aissi.

Selon Alix Pinel d’Enko Capital Private Equity, la création de valeur en Afrique est opérationnelle avant tout. « Nous investissons dans des sociétés rentables avec des tickets de 20 millions de dollars. Nous accompagnons les entreprises au renforcement de leur gouvernance pour les aider à se structurer, nous les aidons à conquérir de nouveaux marchés ». Elle a rappelé que l’accompagnement stratégique des PME africaines repose sur trois piliers : la gouvernance, la structuration opérationnelle et l’expansion régionale. Fonds de capital-développement, Enko Capital Private Equity, présent à Londres et à Johannesburg, devrait atteindre d’ici juin 2026 son objectif de lever 150 M USD. 

Les investisseurs sont visiblement au rendez-vous, attirés par le rendement du capital.  
De G. à dte : Ahcène Gheroufella, Directeur adjoint du Département Économie durable et inclusive, Expertise France, Adil Tourabi VP Sales Director, OVH Cloud, Fatimata Wane Journaliste, Stezen Bisselou Nzengue, directeur Général de Paysika et Rémi Prunier, MEA Partner, Orange Ventures. ©NBC
De G. à dte : Ahcène Gheroufella, Directeur adjoint du Département Économie durable et inclusive, Expertise France, Adil Tourabi VP Sales Director, OVH Cloud, Fatimata Wane Journaliste, Stezen Bisselou Nzengue, directeur Général de Paysika et Rémi Prunier, MEA Partner, Orange Ventures. ©NBC




Nathalie Bureau du Colombier




Abonnement en ligne
à Businews le Mag