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​Attaques de navires en mer Rouge : l’économie provençale touchée de plein fouet


Rédigé le Lundi 5 Février 2024 par Nathalie Bureau du Colombier


L’économie régionale de Provence-Alpes-Côte d’Azur pâtit des conséquences des attaques de navires par les terroristes Houthis en mer Rouge. Le détournement des navires par le Cap de Bonne Espérance affecte la chaîne logistique et décourage les importateurs et exportateurs.


10% du commerce mondial transite par la Mer Rouge. ©Autorité du canal de Suez
10% du commerce mondial transite par la Mer Rouge. ©Autorité du canal de Suez
Jusqu'à il y a peu, 10 % du commerce international passait par la mer Rouge. Tirs de missiles, attaques de drones… aujourd'hui, les navires reliant l’Asie et la Méditerranée n’osent plus s’aventurer dans le Canal de Suez. Depuis mi-décembre, les Houthis, rebelles yéménites, affichent leur soutien au Hamas palestinien et attaquent les navires ayant des liens avec Israël. 

La plupart des armateurs internationaux ont pris la décision d’éviter ce passage stratégique dans les échanges mondiaux et contournent désormais l’Afrique par le sud et le Cap de Bonne Espérance. Les compagnies évitent ainsi le péage faramineux du franchissement du canal (coût moyen du passage d'un navire : 500 000 $), mais enregistrent des coûts d’exploitation plus élevés en raison des 6 500 miles supplémentaires de navigation et de l’introduction nécessaire de nouveaux navires dans les rotations. 
 

Tirs de missiles, attaques de drones… les navires reliant l’Asie et la Méditerranée n’osent plus s’aventurer par le canal de Suez. ©Indian Navy
Tirs de missiles, attaques de drones… les navires reliant l’Asie et la Méditerranée n’osent plus s’aventurer par le canal de Suez. ©Indian Navy

Retard dans les opérations commerciales

Ces décisions rallongent les temps de navigation (et les délais de livraison) de près de 11 jours. Le prix du transport maritime s’envole avec en prime de nouvelles menaces de tension sur la disponibilité des conteneurs. Tout cela rappelle les mauvaises années de la crise sanitaire aux transitaires et aux négociants. 

Importateur depuis la Chine des arts de la table, Christophe Ghazarossian, dirigeant de CFCI et Tablewear, deux sociétés établies à Marseille, travaille essentiellement avec les centrales d’achats de la grande distribution. Il témoigne. « Nous accusons entre deux et trois semaines de retard sur nos livraisons. Cette situation déstabilise complètement nos flux logistiques et nous subissons en plus une hausse des coûts du fret. La grande distribution nous impose des délais de livraison qu'il n'est plus possible de tenir. Certaines enseignes sont heureusement conciliantes et acceptent de décaler certaines opérations commerciales telles que le Ramadan », explique-t-il.
 

« Nous avons demandé aux fournisseurs de ne plus charger cette marchandise »

La société Batimex, pour sa part, a cessé d’importer des articles de faible valeur fabriqués en Chine. « Depuis décembre, nous avons demandé à nos fournisseurs de ne plus charger cette marchandise. C’était un gros business, représentant près de 100 000 produits par an. Nous voilà revenus dans les schémas de 2021, avec un coût du fret qui passe de 1 500 à 6 000 dollars le conteneur "40 pieds high cube". Ce que nous vivons en ce moment met à mal le commerce international. Les gens aujourd'hui s’abstiennent d’importer », déplore Jean-Yves Baeteman, le fondateur de Batimex et président de l’Apex. 

Ces dernières années, Batimex a relocalisé 15 % de sa production de la Chine vers l’Espagne et ne compte pas en rester là. « Mon fournisseur catalan a un savoir-faire extraordinaire, il travaille deux fois mieux et deux fois plus vite que les Chinois. En 48h, la marchandise (lampes de tables, lampes de jardin…) se retrouve palettisée dans nos entrepôts alors qu’il faut un délai de deux mois depuis la Chine », ajoute-t-il. 
 

Les ports méditerranéens feederisés

Les ports méditerranéens (Turquie, Grèce, Égypte), sont les plus affectés par les déroutements de navires puisque les porte-conteneurs qui contournent l'Afrique mettent ensuite directement le cap vers les ports du range nord européen. « Ils positionnent alors des feeders pour rejoindre la Méditerranée, ce qui dégrade davantage encore les services. Les vins et liqueurs principalement concernés sont ceux exportés vers l’Asie, la Chine, le Japon ou le Moyen-Orient et, à l’import, ce sont les vins australiens qui sont le plus touchés », analyse Clément Desbois, directeur commercial d’Hillebrand Gori, filiale de DHL, spécialiste de la logistique des vins et spiritueux. 
 

Grèves des dockers, manifestations d’agriculteurs…

Basée à Eyragues (13), Provence Astouin est une entreprise qui assure la collecte dans les domaines viticoles de France et qui a pour mission de livrer au port de Fos les conteneurs destinés à l’export. Une vraie gageure, une course d’obstacles entre les grèves des dockers, les barrages routiers des agriculteurs (notamment au niveau du rond-point de la Fossette), les retards de navires et l’approche du nouvel An Chinois, entre le 10 et le 17 février, période pendant laquelle l’activité asiatique sera à l’arrêt en Chine.  « Pour le nouvel an asiatique, les navires pouvaient appareiller seulement fin janvier, soit quasiment avec dix jours de retard sur le timing normal. Pour les vins haut de gamme, nous avons utilisé l’avion, avec des taux de fret qui explosent, et pour les vins de moyenne gamme, nous avons conservé le fret maritime. Nous croisons les doigts pour que la marchandise arrive à temps », s'inquiète Jean-Yves Astouin, par ailleurs président de la FNTR en PACA.

Stéphane Salvetat, coprésident du syndicat des transitaires de Marseille-Fos voit également resurgir aujourd'hui les pratiques des compagnies maritimes durant la crise sanitaire : « Désormais, en complément des surcharges, les compagnies maritimes demandent aux transitaires de payer un supplément de 1 500 € pour avoir la garantie d’embarquement du fret à bord des navires ». Les transitaires redoutent également des tensions sur les repositionnements de conteneurs vides.

Pour l'instant, 
beaucoup d’importateurs s’appuient sur leurs stocks, mais combien de temps pourront-ils tenir dans une situation qui semble s’enliser, malgré l’intervention des forces internationales en Mer Rouge ? 
Jean-Yves Astoin, directeur général de Provence Astouin. ©NBC
Jean-Yves Astoin, directeur général de Provence Astouin. ©NBC


Pour approfondir le sujet :
Le 15 février 2024 de 8h30 à 11H, l’UPE 13 et l’Apex organisent une réunion sur le sourcing en Chine. 

Le 20 février se tiendra une réunion d’information de l’Apex sur la situation en Mer Rouge.  Décryptage de la crise par des armateurs, commissionnaires de transport et logisticiens.  




Nathalie Bureau du Colombier

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