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Aix-Marseille-Provence – Le logement (social) au delà de la loi


Rédigé le Lundi 26 Février 2024 par Jacques Poulain


Sept ans après sa création, la métropole Aix-Marseille-Provence a enfin voté son programme local de l’habitat (PLH) lors du conseil métropolitain du 22 février. Ce vote a été précédé d’un long débat sur une motion présentée par Georges Cristiani, maire de Mimet, qui réclame un assouplissement de la loi sur les quotas de logements sociaux à respecter dans les communes.


Le PLH métropolitain prévoit la production de 11 000 logements par an  © JP
Le PLH métropolitain prévoit la production de 11 000 logements par an © JP
Le logement a occupé une bonne part des débats du conseil métropolitain ce 22 février. Alors que les 240 élus d’Aix-Marseille-Provence (AMP) étaient invités à adopter la version définitive du programme local de l’habitat (PLH), le logement social, son volet politiquement le plus sensible s’est glissé en préambule des débats avec une motion présentée par le maire (sans étiquette) de Mimet, Georges Cristiani.

Dans ce texte de deux pages, les édiles, soutenus par la présidente de la métropole Martine Vassal, en appellent à un assouplissement de l’article 55 de la loi SRU qui impose aux communes de plus de 3 500 habitants d’avoir au moins 25 % de logements sociaux sur leur sol. S’ils jurent la main sur le cœur être en phase avec les intentions de la loi, les maires signataires de la motion estiment désormais que cette loi est « totalement inapplicable » à cause des multiples injonctions paradoxales de l’État. 

A en croire le maire de Mimet, qui est aussi président de l’Union des maires des Bouches-du-Rhône, ces derniers sont pris en étau entre une myriade de règlementations contradictoires qui auraient pour dénominateur commun de freiner toute velléité constructive. « Je ne connais pas un maire qui n’ait pas conscience des besoins, mais 80 % du territoire est inconstructible », a lancé Philippe Ardhuin, le maire (LR) de Simiane-Collongue.
 

Des freins nombreux

Plans de prévention des risques, zéro artificialisation nette (Zan), recours contentieux, fiscalité,... les désherbants qui empêchent les logements de sortir de terre seraient selon eux (presque) aussi nombreux que les demandeurs d’Hlm. À Fuveau, la commune travaille depuis 4 ans sur un projet de 90 logements sociaux... et « la première pierre n’est toujours pas programmée », se désole Béatrice Bonfillon, la maire (Divers centre) de ce village de la vallée de l’Arc proche du pôle micro-électronique de Rousset.

Au Rove, le maire (PCF) Georges Rosso ne sait pas comment construire quand près de 90 % de son territoire est classé ou protégé (2 000 ha sur 2 300 ha). À Cassis, ce sont la loi littoral, le parc national des Calanques ou tout simplement le vignoble, qui brident les appétits des bétonneurs. « En dix ans, nous avons fait des efforts puisque le taux de logements sociaux est passé de 6 à 14 %. Mais nous avons quand même été sanctionnés alors que nous avions été exonérés par la commission nationale SRU lors de la précédente période triennale (2017-2019) », se désole Danièle Millon, la maire (LR) de la cité balnéaire.

Face à cette litanie de témoignages désabusés, certaines voix discordantes ont rappelé l’urgence de produire du logement. « Cette motion est à contre temps alors que le logement traverse une crise sans précédent », a souligné l’élu aixois (Dvg) Marc Pena. Le maire (PCF) de Martigues Gaby Charroux a quant à lui insisté sur la nécessité de « donner un toit aux milliers de travailleurs attendus sur les grands projets industriels de la zone de Fos-sur-Mer ». À ses yeux, « la loi SRU n’est pas un problème, c'est la solution ! »
 

Passer du stock au flux

Alors que les listes d’attente pour dégoter un logement dans le parc HLM s’allongent comme un jour sans pain (le nombre de demandes a bondi de + 10 % en un an selon l’Association régionale des organismes Hlm Paca & Corse), les édiles demandent un changement de focale de la règle des 25 % : « il faut passer d’une logique de stock à une logique de flux, et imposer aux territoires de réaliser 25 % de leur production annuelle de logements en logements locatifs sociaux », précise la motion, qui a été votée par une majorité du conseil métropolitain. En sous-entendant qu'on oublie de rattraper le retard. La motion demande également que ce seuil s’impose... à l’échelle du bassin de vie intercommunal, c'est-à-dire qu'il soit calculé sur l'ensemble du territoire des 92 communes de la métropole.

Cette doléance, le maire (PS) de Vitrolles, Loïc Gachon en approuve le principe, mais pas les modalités. « 25 % sur le flux, c’est inacceptable. Si l’on veut rattraper les retards, il faut au moins 40 % sur le flux dans les secteurs déficitaires. Et raisonner à l’échelle de métropole est trop vaste. Je suis d'accord pour l'appréciation en flux, mais sur des bassins de vie plus restreints qui correspondent au quotidien des habitants », plaide l’édile vitrollais.

David Ytier, vice-présiden de la Métropole Aix-Marseille-Provence, délégué à l’habitat.
David Ytier, vice-présiden de la Métropole Aix-Marseille-Provence, délégué à l’habitat.
Le soin de clore le débat est revenu à David Ytier, vice-président (LR) délégué à l’habitat. « Le contexte actuel n’est plus celui du vote de la loi SRU en l’an 2000. Si on continue avec cette lecture purement mathématique, on finira par sanctionner toutes les communes », a-t-il lancé. À ses yeux, la relance ne passe pas par la sanction légale, mais par la production. « Il faut construire plus de logements : à la fois plus de logements libres et de logements locatifs sociaux ». Et pour cela, il pense que les solutions sont plurielles : « simplifier, arrêter l’empilement des normes et des règles, baisser la fiscalité sur le logement, redonner des marges de manœuvre aux bailleurs... ».
 

Un PLH consensuel

Si le débat sur la motion Cristiani aura duré près d’un heure, celui précédant le vote du PLH a été expédié en deux temps trois mouvements. Il faut dire que la gestation de ce document stratégique aura demandé plus de six ans. Après le vote de l’arrêt du projet au début 2023, le PLH a dû obtenir les sésames des communes, du préfet et du comité régional de l’habitat et de l’hébergement (CRHH). Ce 22 février, les élus ont donc pu voter la version définitive de cette feuille de route. Adopté à l’unanimité, le PLH prévoit la réalisation de 11 000 logements par an, dont 5 200 logements sociaux, 4 700 Hlm neufs et 500 en réhabilitation (acquisition-amélioration). Des niveaux que l’EPCI n’a plus atteint depuis cinq ans. Les communes concernées par l’obligation de rattrapage SRU sont en première ligne avec un objectif de production territorialisé de quelque 4 300 Hlm. Des chiffres qui semblent hors d’atteinte aujourd’hui : en 2023, la métropole AMP n’a agréé que 2 474 logements sociaux, un bilan éloigné de l’objectif fixé par l’Etat au début 2023 (4 165 agréments). Et plus de moitié inférieur à l’ambition de 5 200 Hlm gravée désormais dans le marbre du PLH.
 

Six orientations

Le PLH est articulé autour de six grandes orientations déclinées en une trentaine d’actions : agir sur le parc existant ; soutenir la production de logements sans surconsommer le foncier tout en veillant à la modération des prix ; diversifier l’offre pour fluidifier les parcours résidentiels ; améliorer l’accès au logement des publics fragiles et spécifiques ; soutenir l’innovation ; mettre en place une gouvernance qui fasse vivre le PLH.

« Il s’agit d’un commencement et non pas d’un aboutissement », a affirmé David Ytier. A défaut de planter des grues dans tous les terrains constructibles, l’adoption du PLH aura au moins un mérite : elle permettra aux communes qui le souhaitent, à l’instar de la ville de Marseille, de demander la mise en place de l’encadrement des loyers.
Les travaux devraient se poursuivre. La métropole compte mettre en œuvre un plan de lutte contre la vacance à travers la démarche "Zéro logement vacant", guichet unique qui aide les propriétaires de logements vacants à les remettre sur le marché.

Autre outil en cours de préparation, celui d'un comité métropolitain pour l’habitat. Cette instance partenariale associant l’ensemble des acteurs de la chaîne du logement et de la construction sera chargée du suivi de la politique de l’habitat. 
 




Jacques Poulain




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