Pour Patrick Pouyanné, la dynamique de TotalEnergies intéresse les jeunes car ils apprécient les sociétés qui investissent et innovent (Photo JC Barla)
L’état d’esprit des entrepreneurs est-il en train de changer pour ne plus laisser passer les critiques et accusations qui minimisent leurs engagements sur les enjeux climatiques et énergétiques actuels ? Le Forum des Entrepreneurs a toujours promu les valeurs entrepreneuriales. Sa 22ème édition s’est révélée au gré des invités franchement combattive dans les propos. Il faut dire qu’en invitant le président de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, cible favorite des associations écologistes, puis Rodolphe Saadé, président de CMA CGM, le transport maritime étant stigmatisé pour ses impacts sur les mers et dans l’air, l’événement comptait deux porte-drapeaux, dans un style différent, pour tenter de remettre un certain nombre de points sur les « i ». Ni l’un, ni l’autre n’a d’ailleurs déclaré être déjà exemplaire sur tous les plans. Ils ont admis le chemin qui leur reste à accomplir. Mais en tant que grands groupes français qui investissent massivement pour se transformer, ils soulignent que la France, et les Français derrière, ont tout à perdre s’ils s’évertuent à noircir leurs plus emblématiques fleurons à l’international. Et plutôt que d’alourdir encore les taxes au prétexte de ponctionner leurs super-profits, ils préfèrent que l’Etat soutienne et accompagne leurs projets et créations d’emplois au lieu de les freiner et d’handicaper leur croissance.
Investir plutôt que payer des taxes
Voici quelques jours, TotalEnergies avait répondu point par point à un article du « Monde », une méthode inhabituelle dans sa communication, mais qui pourrait bien se généraliser. « Nous sommes dans un pays où il y a une sorte de jalousie vis-à-vis des leaders, des premiers de la classe. Chaque fois, les polémiques ont lieu en France et pas du tout à l’étranger, regrette ainsi Patrick Pouyanné. Nous sommes une entreprise française qui réussit dans des métiers et secteurs-clés de l’énergie où les concurrents sont anglosaxons ». Le reproche de réaliser des « super-profits » lui reste en travers de la gorge. « Nous investissons 4 milliards d’euros dans les énergies, nous sommes un des cinq plus gros au monde à investir. On gagne de l’argent parce qu’on a bien travaillé. Ces profits sont liés aux choix stratégiques de l’entreprise qui paient aujourd’hui » ajoute-t-il en rappelant que « TotalEnergies est l’entreprise française la plus taxée au monde. Nous avons payé 6 milliards d’euros d’impôts en 2020, 16 milliards d’euros en 2021 ». Taxer encore plus grèverait inévitablement selon lui les futurs investissements et la capacité d’innovation. En Provence, la mutation de la raffinerie en bioraffinerie apporte à ses yeux un exemple flagrant. « Elle perdait 100 millions d’euros par an, elle en gagne aujourd’hui, nous l’avons pérennisée pour plusieurs années et nous allons investir encore pour totalement la décarboner ».
Appel aux jeunes
Pour Rodolphe Saadé, CMA CGM réagit vite sur la transition énergétique parce qu'il est un groupe familial (Photo JC Barla)
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Rodolphe Saadé s’est inscrit pleinement dans la même logique. Les 14,8 milliards d’euros de bénéfices réalisés par CMA CGM au 1er semestre 2022 ont fait du bruit et pas toujours du bien à la réputation de l’entreprise. Son président assume ses décisions de « groupe familial » à l’écoute des évolutions de son marché et de ses clients et réactif. « Depuis quand une entreprise doit-elle perdre de l’argent ? Il est plus facile d’en perdre que d’en gagner. Certes, la période est exceptionnelle. Mais 90% des bénéfices sont réinvestis ». Un fonds d’1,5 milliard d’euros a été décidé pour soutenir des projets visant à accélérer la transition écologique. « Nous travaillons depuis plusieurs années sur la réduction de l’empreinte carbone. On est loin du carbone zéro, reconnait-il. Ce fonds nous permettra de définir une feuille de route et d’être au rendez-vous en 2050 ». Et d’appeler les jeunes, réticents à rejoindre aujourd’hui des entreprises jugées polluantes, à fournir leur contribution. « Au-delà de nos résultats, nous devons créer de la valeur, adapter notre manière de fonctionner à cette nouvelle génération qui peut avoir des attentes différentes des nôtres. Je voudrais plus de jeunes dans notre entreprise parce qu’ils apportent un autre regard ». En conclusion de la matinée, David Layani, président-fondateur de One Point, a rajouté une autre couche à l’intention de tous ceux qui s’emploient à noircir toute initiative. « C’est facile d’être aigri et de critiquer ceux qui réussissent au lieu de chercher et proposer des solutions » a-t-il confié, en insistant sur le découragement qui peut en découler, sur les freins à l’imagination et l’inventivité ».
Entreprendre pour solution
Aux yeux de Philippe Korcia, "il faut continuer à baisser la pression fiscale pour redonner du pouvoir d'achat" (Photo JC Barla)
Ce Forum « à la croisée des mondes » a ouvert dans l’après-midi d’autres pistes, à l’image de Philippe Korcia, président de l’UPE 13, pour qui « on ne peut plus gagner presque autant sans travailler qu’en travaillant. Il faut que le travail soit perçu comme la seule possibilité d’accroître son pouvoir d’achat ». L’économiste Marc Touati a pointé tous les « dénis de réalité » des politiques et pouvoirs publics que la société française paie lourdement maintenant. Il revendique « une thérapie de choc bienveillante » et la « fin de l’infantilisation » des citoyens. Patrick Martin, président délégué du MEDEF, s’est déclaré malgré tout « optimiste » en regardant le nombre record de créations d’entreprises ou l’essor de l’apprentissage. « Il faut capitaliser sur l’entreprise », convaincu qu’elle est plus facilement la solution à nombre de problématiques que la cause de tous les maux actuels !