Pour ses 20 ans, Aktantis avait réuni ses anciens présidents et fidèles partenaires (Photo JC Barla)
Le 9 décembre à Marseille, dans l’enceinte du Mucem, le pôle de compétitivité Aktantis, a célébré ses 20 ans avec la quasi-totalité de ses anciens présidents et plus de 200 membres et invités. Né en 2005 comme pôle « mondial » pour la France sous le nom de « Solutions Communicantes Sécurisées » avant d’être rebaptisé en 2024, à la suite de l’intégration du pôle optique-photonique Optitec, il n’a jamais cessé de se battre pour renforcer les liens entre formation, recherche et industrie, faire tomber quelques barrières entre académiques et industriels de Marseille/Aix-en-Provence, Toulon et Sophia Antipolis/Nice, et promouvoir l’innovation dans la microélectronique, les logiciels, les télécommunications, la cybersécurité et toutes les technologies (internet des objets, IA…) qui ont favorisé la généralisation du numérique dans notre quotidien.
« La Direction générale des entreprises (DGE) a reconnu que les pôles sont l’un des instruments les moins coûteux et les plus efficaces pour contribuer au développement économique de la France. Pour 1 euro public investi dans l’innovation, trois euros privés sont générés. Nous voulons que notre pôle reste une référence dans les Deeptech », rappelle Fabien Aili, son président. Avec plus de 320 membres, il affiche 1,6 Md€ engagés en R&D qui ont déclenché 600 M€ d’aides publiques.
Cependant, en évoquant le thème de « la souveraineté technologique », nombre d’intervenants conviés à échanger n’ont pu que constater combien la France et l’Europe avaient reculé en deux décennies face aux géants américains (Google, Apple, Meta, Amazon…) et asiatiques. Elles se sont fait doubler même dans des domaines où leur recherche était pionnière, faute d’avoir pris la mesure de la bataille qui se jouait et d’y avoir mis les moyens financiers, sans doute à cause d’une vision trop idyllique (naïve ?) de la mondialisation. Ce manque de "vista" se paye désormais. « Près de 80% des technologies numériques utilisées dans l’Union européenne viennent d’Asie ou des Etats-Unis », rappelle ainsi Fabienne de Toma, responsable animation et écosystème d’Aktantis.
« La Direction générale des entreprises (DGE) a reconnu que les pôles sont l’un des instruments les moins coûteux et les plus efficaces pour contribuer au développement économique de la France. Pour 1 euro public investi dans l’innovation, trois euros privés sont générés. Nous voulons que notre pôle reste une référence dans les Deeptech », rappelle Fabien Aili, son président. Avec plus de 320 membres, il affiche 1,6 Md€ engagés en R&D qui ont déclenché 600 M€ d’aides publiques.
Cependant, en évoquant le thème de « la souveraineté technologique », nombre d’intervenants conviés à échanger n’ont pu que constater combien la France et l’Europe avaient reculé en deux décennies face aux géants américains (Google, Apple, Meta, Amazon…) et asiatiques. Elles se sont fait doubler même dans des domaines où leur recherche était pionnière, faute d’avoir pris la mesure de la bataille qui se jouait et d’y avoir mis les moyens financiers, sans doute à cause d’une vision trop idyllique (naïve ?) de la mondialisation. Ce manque de "vista" se paye désormais. « Près de 80% des technologies numériques utilisées dans l’Union européenne viennent d’Asie ou des Etats-Unis », rappelle ainsi Fabienne de Toma, responsable animation et écosystème d’Aktantis.
Renverser le mouvement
Il est d'autant plus difficile aujourd'hui de revenir dans la course quand les menaces surgissent de partout, et même de la part d’anciens alliés ou amis. Certains tentent néanmoins le défi, à l’image de SiPearl, impliqué dans la conception d’un microprocesseur européen pour les supercalculateurs et l’intelligence artificielle. La société compte un site à Sophia Antipolis et son directeur technique, Vincent Casillas, relève que « notre continent consomme un tiers des ressources mondiales des supercalculateurs, mais aucun de ses microprocesseurs ne les équipent, la totalité des technologies des supercalculateurs sont américaines. Alors qu'il y a de plus en plus de besoins de capacités de calcul et de données dans l’IA, la défense, la santé, le climat, la sécurité…, notre objectif est d’apporter à l’Europe une nouvelle capacité de design. Nous nous efforçons de reconstruire un écosystème », dit-il, en admettant que sur « certains nœuds avancés », aucune production n’existe en Europe. Tout se passe à Taïwan. « La souveraineté ne sera jamais franco-française ».
Vincent Casillas (SPearl), Antoine Buat (Digdash) et David Gesbert (Eurecom) ont exposé les enjeux de souveraineté sur lesquels l'Europe pourrait encore se distinguer (Photo JC Barla)
Question de sûreté
Pour David Gesbert, professeur et directeur d’Eurecom à Sophia Antipolis, il y a peut-être une chance de reconquérir une place dans la 6G. Il estime que la 5G n’a pas atteint toutes les promesses qu’elle laissait entrevoir, et que les Etats-Unis semblent « un peu en retrait ». « Mais il reste beaucoup d’inconnues et des efforts à faire dans les cinq ans qui mèneront aux premiers produits pour les nouvelles générations de réseaux mobiles », assure-t-il, pour peu que les contraintes de cybersécurité, de modèle économique et d’acceptabilité du public, soient résolues.
Quant à Antoine Buat, fondateur et dirigeant à Aix-en-Provence de Digdash, spécialisée dans le traitement de la donnée, il s’emploie à ce que leur pilotage, leur analyse, leur exploitation ou leur communication reposent autant que possible sur des solutions souveraines. Pour lui, si de nombreux risques liés à leur fuite, leur perte ou leur diffusion existent, le risque géopolitique est aujourd’hui le numéro 1, en rappelant combien les lois américaines (Cloud Act, FISA…) sont susceptibles d’être intrusives dans des sociétés non-américaines et jusqu’aux citoyens. Par l’intermédiaire d’un juge ou pas.
« Nous nous sommes efforcés de sortir tous les opérateurs américains et les outils soumis à des lois extraterritoriales de nos solutions, car nous considérons que le gouvernement des Etats-Unis pourrait un jour couper tout accès à des technologies, par exemple s’il considérait que l’Europe se met à le gêner. » Digdash a ainsi œuvré pour l’URSSAF qui souhaitait mieux sécuriser ses données. Pour lui, la France peut éventuellement jouer un rôle dans le LLM (Large Langage Model) qui aide l'intelligence artificielle à comprendre, prédire et générer un texte de la même façon qu'un humain, « parce que le business LLM est un business d’électricité et que dans notre pays, elle n’est pas chère ».
Quant à Antoine Buat, fondateur et dirigeant à Aix-en-Provence de Digdash, spécialisée dans le traitement de la donnée, il s’emploie à ce que leur pilotage, leur analyse, leur exploitation ou leur communication reposent autant que possible sur des solutions souveraines. Pour lui, si de nombreux risques liés à leur fuite, leur perte ou leur diffusion existent, le risque géopolitique est aujourd’hui le numéro 1, en rappelant combien les lois américaines (Cloud Act, FISA…) sont susceptibles d’être intrusives dans des sociétés non-américaines et jusqu’aux citoyens. Par l’intermédiaire d’un juge ou pas.
« Nous nous sommes efforcés de sortir tous les opérateurs américains et les outils soumis à des lois extraterritoriales de nos solutions, car nous considérons que le gouvernement des Etats-Unis pourrait un jour couper tout accès à des technologies, par exemple s’il considérait que l’Europe se met à le gêner. » Digdash a ainsi œuvré pour l’URSSAF qui souhaitait mieux sécuriser ses données. Pour lui, la France peut éventuellement jouer un rôle dans le LLM (Large Langage Model) qui aide l'intelligence artificielle à comprendre, prédire et générer un texte de la même façon qu'un humain, « parce que le business LLM est un business d’électricité et que dans notre pays, elle n’est pas chère ».
Un prix à payer
Le prix d’accès à une technologie exclusivement européenne demeure un argument incontournable pour espérer résister aux offres généreuses d’acteurs américains ou asiatiques. « Si on n’est pas au minimum au même prix que les Américains, il n’y aura pas de souveraineté », promet-il. Ce prix concerne aussi l’accès aux compétences, quand la France se fait piller ses meilleurs ingénieurs par des « ponts d’or financiers » et des perspectives professionnelles qu’ils ne peuvent refuser. « Il faut faire en sorte de former plus d'ingénieurs et de les aider à rester sur le continent européen pour innover », réclame David Gesbert.
« Comme cela a été fait avec Huawei, banni en raison de doutes sur ses technologies, il y a peut-être un angle "sécurité" à aborder pour traiter la question de la souveraineté », relève Gérard Martinez, nouveau directeur d’Aktantis en remplacement d’Olivier Chavrier. Ce dernier se désole de n’avoir pas vu depuis longtemps « de grands acteurs technologiques » s’implanter sur le territoire (plusieurs en sont même partis !) et craint que « l’explosion future du quantique » ne soit pas encore appréhendée à sa juste mesure en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Le combat, on le voit, est loin d’être gagné…
« Comme cela a été fait avec Huawei, banni en raison de doutes sur ses technologies, il y a peut-être un angle "sécurité" à aborder pour traiter la question de la souveraineté », relève Gérard Martinez, nouveau directeur d’Aktantis en remplacement d’Olivier Chavrier. Ce dernier se désole de n’avoir pas vu depuis longtemps « de grands acteurs technologiques » s’implanter sur le territoire (plusieurs en sont même partis !) et craint que « l’explosion future du quantique » ne soit pas encore appréhendée à sa juste mesure en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Le combat, on le voit, est loin d’être gagné…








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