Menu

Les entreprises au service du territoire


Rédigé le Lundi 23 Octobre 2023 par Jean-Christophe Barla


En ciblant sa thématique sur « L’alchimie de la transformation », le Forum des Entrepreneurs a réussi à attirer cette année près de 4 000 participants. Au coeur de cette transformation : comment l'entreprise transforme le territoire en venant en appui des politiques publiques.


Christophe Mirmand, préfet des Bouches-du-Rhône, Martine Vassal, présidente de la Métropole, Philippe Korcia, président de l'UPE 13 et Patrick Martin, président du Medef national, à l'ouverture du Forum des entrepreneurs (photo Jean-Christophe Barla)
Christophe Mirmand, préfet des Bouches-du-Rhône, Martine Vassal, présidente de la Métropole, Philippe Korcia, président de l'UPE 13 et Patrick Martin, président du Medef national, à l'ouverture du Forum des entrepreneurs (photo Jean-Christophe Barla)

« Passer à la vitesse supérieure ! », tel était l’objectif fixé par Philippe Korcia, président de l’UPE13, pour l’édition 2023 du Forum des Entrepreneurs qui s'est tenu au stade Vélodrome, sur le thème de « L’alchimie de la transformation ». Passer à la vitesse supérieure, c’est aussi ce qu’ont revendiqué nombre d’intervenants, des plus renommés, comme l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy ou le nouveau président du Medef, Patrick Martin, jusqu'aux chefs d’entreprises régionaux répartis sur les ateliers et tables rondes. Leur appel s’adressait aussi à l’État et aux collectivités pour laisser une plus grande liberté à l’initiative, à l’innovation et à la prise de responsabilité dans les territoires, vus comme le socle privilégié des mutations à engager.
 

La transition écologique souffre de trop de freins pour accélérer (photo JC Barla)
La transition écologique souffre de trop de freins pour accélérer (photo JC Barla)

Des réglementations paralysantes

Les lourdeurs sont nombreuses dans un pays encore engoncé dans une multitude de réglementations et d'archaïsmes qui pénalisent même les ambitions les plus partagées, comme la transition écologique. Les exemples n’ont pas manqué, au gré des échanges. « La France s’appauvrit par rapport au reste du monde parce qu’elle ne s’est pas assez transformée », indique Mathilde Lemoine (chef économiste de la banque Edmond de Rothschild), pointant « le manque cruel d’investissements », le problème persistant de « l’élitisme français » et du renforcement des inégalités dans le système éducatif ou la difficulté à partager collectivement des objectifs.

Gianmarco Mosellato (CEO Deloitte France & Afrique) a fustigé en France « le modèle le plus centralisé du monde », alors que « sa richesse de territoires est sa chance unique ». Directrice France de TotalEnergies, Isabelle Patrier a fourni quant à elle deux illustrations concrètes de ces lourdeurs administratives dans la transition écologique : « Pour créer une ferme solaire en France, il faut 8 ans et 14 permis et autorisations diverses. Pour un plan d’épandage dans un projet de biométhanisation, l’autorisation prend deux ans. Aux États-Unis, c'est possible en deux mois. » Sans révolution dans le domaine, à ses yeux, les objectifs fixés par le gouvernement pour 2030 ne pourront pas être tenus.

Delphine André, présidente du groupe de transports et logistique Charles André, admet que « la transition écologique va entraîner des transformations radicales ». Mais elle regrette la déconnexion entre nombre de visions venues d’en haut et la réalité vécue par chaque entreprise. « Comment passer une flotte entière à l’électrique quand un véhicule coûte 2,5 à 5 fois plus cher pour rouler 2 fois moins de kilomètres et qu’on ne peut pas recharger partout ? J’ai des chauffeurs qui me disent qu’il leur faut parfois 5 heures pour recharger leur camion », dit-elle.

Marguerite Bérard, directrice de la Banque Commerciale de France, ose une analogie domestique sur le poids des réglementations. « De temps en temps, il faut faire le ménage, on se sentira plus léger après ». Le grand rabbin de France Haïm Korsia joue pour sa part de la métaphore sportive. « Il y a des transformations qu’on peut organiser. Dans une équipe de foot, quand ça ne marche pas, on change la défense, quand on ne marque pas, on change d’attaque. Aucun système humain ne peut survivre s’il ne se transforme pas ». Optimiste, l’archevêque d’Aix et d’Arles, Monseigneur Christian Delarbre, va dans son sens. « Les gens vivent de transformations ». Il aimerait simplement un engagement et un travail plus collectifs, indispensables selon lui « pour que la société ne craque pas ».
 

Dire les choses pour avancer

Patrick Martin, au nom du Medef, fait lui aussi appel au collectif pour que les entreprises françaises affrontent plus équitablement la compétition internationale. Il réclame plus de visibilité à l’État et voudrait avoir un peu plus les coudées franches « pour ne pas être les ravis de la crèche » face à la concurrence. « La sphère privée doit reprendre des parts de marché et la sphère publique doit faire l’effort de la rationalisation », confie-t-il, invitant tous les dirigeants à de la « cohérence » pour ne pas tendre la main vers le gouvernement à chaque difficulté nouvelle. « J’assume une croissance décarbonée et responsable. La France a perdu 20 points en 20 ans de richesse par habitant. On ne peut pas se contenter de gérer la pénurie ». Pour lui, les jeunes peuvent être les vecteurs du monde de demain et non pas les freins qu’on nous présente. « Je ne crois pas qu’ils ne veuillent plus travailler, mais il faut leur redonner du sens et de la considération », assure-t-il.


Bien en verve face à une assistance qui attendait qu’il fasse le show, Nicolas Sarkozy a délivré à nouveau ses convictions sur la force du travail pour s’épanouir, sur la reconnaissance du mérite, sur la nécessité de prendre des risques et d’échouer pour avancer… « Tout ce qui détruit le travail détruit la société. L’homme est fait pour deux choses : aimer et travailler. Il faut aimer les deux », clame-t-il, invitant les jeunes à « se prendre en main ». « Le problème français, c’est le nivellement. On ne peut pas traiter tout le monde de la même façon, tout simplement parce que nous n’avons pas tous la même énergie, le même talent, la même façon de voir, la même santé... ». L'ancien président de la République regrette que les Français ne débattent plus vraiment pour tenter de progresser ensemble. « Le politiquement correct, c’est de la lâcheté. Ce qui caractérise la démocratie, avant même le vote, c’est la capacité à débattre. »
 

Penser plus grand

Comment donc imaginer une vision enthousiasmante qui emporte le collectif ? Pour Dominique Bluzet, président de « One Provence » et directeur de quatre théâtres à Aix et à Marseille (« Les Théâtres »), il faut soigner et partager « le récit et la fierté » d'un territoire où se sont conjugués « tant de succès » dans un lien continu entre passé, présent et futur. « Avec One Provence, nous voulons être porteurs de ce récit pour le plus grand nombre », promet-il, convaincu de pouvoir entraîner ensuite les habitants, les entreprises, les visiteurs...

« La culture nourrit l'économie », glisse Sophie Joissains, maire d'Aix-en-Provence. « L'entrepreneur a toute sa place à prendre dans l'offre culturelle », renchérit Christophe Aubas, directeur régional de Culturespaces qui gère l'Hôtel de Caumont à Aix. Et pour Vianney d'Alençon, fondateur et président du parc Rocher Mistral à la Barben, qui oeuvre à la transmission de l'histoire de la Provence, « la création, c'est l'élan de la vie ».
 

Philippe Veran, Kevin Polizzi, Jérémy Estrader, Mathieu Capuono
Philippe Veran, Kevin Polizzi, Jérémy Estrader, Mathieu Capuono
En reprenant The Camp, en investissant dans  sociétés à travers sa holding Unitel, Kevin Polizzi, natif de ce territoire, atteste que, peu importe les contraintes, chacun peut faire d'une imagination un récit en action dès lors qu'il sait « humer » avec un peu d'anticipation le sens de la société. « Quand on a un potentiel, on l'utilise ! », dit-il, déterminé à faire du site aixois « un campus de taille mondiale » où les grandes entreprises « ne seront plus dans l'entre-soi », mais qui sera ouvert à toute l'économie locale. Président de Biotech Dental et du groupe Upperside, Philippe Veran a lui aussi déroulé à travers son parcours un récit de réussites dans une multitude de secteurs. Toujours tourné vers l'avenir, il veut maintenant bâtir dans la région « un cluster de l'impression 3D » qui favorisera l'essor d'une industrie du « sur-mesure » pour ses clients.

Jérémy Estrader pour sa part, directeur général adjoint de la Cepac, pense qu'« il y a des coopérations et des partenariats à imaginer entre puissance publique et entreprises privées. Il y a ici de nombreux clusters de compétences à partager.  La force de notre territoire, c'est de posséder à la fois une puissance publique qui porte les grands projets d'aménagement et d'infrastructures et des entreprises qui investissent et qui créent de l'emploi »
Pour Mathieu Capuono, président du cabinet d'expertise comptable Crowe-Ficorec, « chaque entrepreneur doit dépasser la réalité propre de son entreprise, penser sa performance globale et son impact, au-delà même de sa performance économique première ».
Comme un devoir à la maison, pour progresser jusqu'au Forum 2024...




Jean-Christophe Barla




Abonnement en ligne
à Businews le Mag