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« Le sentiment de responsabilité collective est très fort »


Rédigé le Mercredi 3 Février 2021 par Fabienne Berthet


Coachs en entreprise, Caroline Couturier et Eric Perret assurent également une formation à d’autres professionnels de l’accompagnement. Dans un immeuble situé au 35 cours Pierre Puget à Marseille, le cabinet Renaissance Conseil, existant depuis 10 ans, développe un espace de travail atypique, du corpo-working dans un lieu pensé comme un atelier favorisant l’enrichissement mutuel, l’entraide, le partage et la transmission. Les deux associés viennent d’ailleurs de publier un ouvrage d’épanouissement personnel « C’est la vie » qui décline les parcours de 4 personnages au sein de l’entreprise et s’inspire des préoccupations et des questionnements, propres à bon nombre de salariés et de managers. Dans la période de crise actuelle, les formateurs dressent un bilan en demi-teinte des préoccupations des dirigeants confrontés à une lame de fonds sans précédent.


Eric Perret et Caroline Couturier du Cabinet Renaissance Conseil
Eric Perret et Caroline Couturier du Cabinet Renaissance Conseil
Quel est l’état d’esprit des dirigeants d’entreprise que vous accompagnez après un an de crise ?
 
Eric Perret : La lassitude est évidente, les contraintes telles que le couvre-feu sont de plus en plus pesantes. d'autant que l'absence de visibilité se confirme de semaine en semaine. Le mot d’ordre s’avère « tout ce que je sais est que je ne sais rien » et cela, tous secteurs confondus et quelle que soit la typologie des entreprises. Puisque des TPE aux PME en passant par les grands groupes, le ressenti est le même. Notre première action consiste, par l’entretien individuel, à gérer les frustrations et la difficulté à mettre en place des décisions structurelles quand elles doivent s’appliquer, comme les licenciements et les plans sociaux. Nous insistons sur la nécessité d’avoir une vision, même à court terme, pour affirmer la présence du dirigeant et de continuer à anticiper malgré la dégradation des conditions financières. Il s’agit également de contribuer à mettre en place de nouvelles formes de travail, à repartir au mieux des besoins de l’entreprise, le télé travail et celui en présence. Signal fort, notre activité enregistre beaucoup de demandes entrantes et dans l’urgence. De nombreux dirigeants sollicitent désormais des conseils d’une semaine sur l’autre ce qui n’était pas le cas auparavant.  
 
 
Caroline Couturier : Il existe une forme d’épuisement mental et psychologique induit par les arrêts maladies de plus en plus nombreux, les salariés en repli sur soi et dans l’incapacité de travailler. On assiste à un véritable syndrome de la grotte. Un collaborateur sur deux en télé travail ne veut plus revenir au bureau. On encourage le retour au moins partiel au travail en présentiel. C’est plus facile de déceler les signaux alarmants et les troubles qu’à distance. Autre constante, les dirigeants ne se reconnaissent dans la période aucun droit à l’erreur.  

Et au niveau des coachs que vous suivez ? 
 
Caroline Couturier : On assiste à un écho systémique de la peur, les clients de nos coachs la ressente et celle-ci se répercute. En tant que superviseur, nous travaillons à mettre en place les conditions de leur réassurance. Notre démarche consiste à initier des systèmes de soutien et des plans d’actions et de protection. En explicitant les formes de menace, en qualifiant et quantifiant les risques. La peur créée du repli sur soi, une volonté de fuir et l’envie de combattre. Or, nous encourageons le combat qui permet d’anticiper l’avenir pour éviter la colère souvent redirigée vers un bouc émissaire. 
 
 Eric Perret : les entrepreneurs ont par nature des difficultés à évoquer leur vulnérabilité. Ils ont le sentiment de ne pouvoir montrer leur anxiété. Or il faut s’offrir ce droit, logique dans ce nouveau contexte. Nous travaillons ensemble sur ces sensations et ce sentiment de responsabilité collective qui est très fort. Ce qui est plus neuf est que les managers ont parfois les mêmes syndromes d’un dirigeant. Il faut apprendre à lâcher. C’est d'ailleurs le sens de notre action avec l’association 60 000 Rebonds qui aide les entrepreneurs contraints à la faillite.
 
Qu’en est t-il des difficultés financières ? 
 
Eric Perret : Au sein des PME et grands groupes, il souvent est demandé de faire mieux ou aussi bien avec moins. C’est la conséquence de la réduction des flux financiers. L’une de nos ambitions conduit à travailler sur la prospective pour analyser les besoins de demain et les moyens d’y répondre. Il faut parfois pouvoir s’arrêter dans une lancée mécanique, pour injecter de nouvelles énergies. Prendre 5 % de son temps pour regarder devant soi, gérer son temps et ses compétences permet de retrouver un équilibre, notamment entre le professionnel et personnel. De façon plus positive, on essaie de faire comprendre que la crise génère son lot d’opportunités, permettant de configurer des stratégies et des écosystèmes d’une manière plus souple et plus agile. Certaines entreprises se sont mises avec succès au télé travail alors qu’elles étaient idéologiquement contre. La situation actuelle rend faillible et contribue à créer une brèche dans les certitudes. Cela peut avoir du bon ! 




Fabienne Berthet




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