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La filière automobile régionale sur la ligne de départ


Rédigé le Mardi 25 Novembre 2025 par Laurie Maneval


Alors que la filière automobile française traverse une phase de repli, la région Provence-Alpes–Côte d’Azur mise sur ses compétences technologiques pour exister dans le paysage national. Rassemblés le 25 novembre au circuit Paul Ricard pour la première rencontre régionale organisée par la DREETS, industriels, pôles de compétitivité et institutionnels ont dressé un état des lieux de la filière régionale.


Le 25 novembre au circuit Paul Ricard s’est tenue la première rencontre régionale de la filière automobile. ©NBC
Le 25 novembre au circuit Paul Ricard s’est tenue la première rencontre régionale de la filière automobile. ©NBC
Sur le circuit Paul-Ricard, les acteurs régionaux ont décrit une filière encore modeste en production mais riche en savoir-faire technologiques. Pour l’État, l’enjeu est désormais d’accompagner cette recomposition industrielle dans le cadre du Plan France 2030. « La région se distingue moins par la production que par la technologie. Elle doit faire valoir ses compétences pour peser dans les transitions en cours », analyse Adrien Rivier, chargé de mission sous-traitants automobiles à la Direction générale des entreprises. Il observe « une filière encore émergente, mais porteuse de solutions utiles à l’industrie nationale ».

Selon Mobilians, la filière automobile régionale rassemble 18 000 entreprises, 42 000 salariés et 6 000 jeunes en formation. Un écosystème encore dispersé, mais dont les briques technologiques répondent aux besoins croissants de l’industrie nationale : hydrogène, logiciels embarqués, rétrofit, communication et cybersécurité. « L’idée était de réunir industriels, pôles et institutionnels pour que chacun sache qui fait quoi. Quand on se connaît, on peut coopérer, bâtir des projets et structurer une filière qui a un vrai potentiel d’avenir », souligne François Mathieu, chargé de développement à la DREETS, à l’origine de ce premier rendez-vous. Une trentaine de dirigeants et directeurs techniques ont participé, parmi lesquels Oreca, EON Motors, Record France, MEI, le Méhari Club de Cassis, Thales CDI, ECCity, L2 Concept ou encore Silicon Mobility.

Qinomic finalise l’homologation du Renault Trafic, pour une mise en marché en 2026. ©NBC
Qinomic finalise l’homologation du Renault Trafic, pour une mise en marché en 2026. ©NBC

Turbo sur l’hydrogène, le rétrofit, l’électronique

Sur les créneaux les plus porteurs, plusieurs entreprises régionales affichent leurs ambitions. À Venelles, Solution F, filiale du groupe GCK (une trentaine de salariés), développe un moteur thermique hydrogène 6 cylindres de près de 300 chevaux, destiné aux autocars. L’entreprise finance sa R&D grâce à ses activités aéronautiques et prépare une première démonstration commerciale. Le marché visé concerne les flottes captives soumises à des objectifs de décarbonation.

Le rétrofit est l’autre segment en accélération. Qinomic, qui transforme des utilitaires thermiques en électriques, finalise l’homologation de son modèle basé sur le Renault Trafic, pour une mise en marché en 2026. La société revendique une solution « plus rapide et plus économique » qu’un utilitaire électrique neuf, couvrant désormais 70 % du marché du VUL. Elle prépare un neuf places rétrofité et discute avec plusieurs constructeurs, dont Toyota. Dans l’électronique embarquée, Cetrac (spécialisée dans les réseaux critiques)  réalise déjà 20 % de son chiffre d’affaires dans l’automobile et veut renforcer sa présence sur les systèmes de communication embarqués, indispensables au véhicule connecté et sécurisé.

La région bénéficie aussi de la présence du centre d’essais BMW de Miramas, qui accueille quotidiennement 200 à 400 ingénieurs pour des essais de prototypes, générant d’importantes  retombées économiques locales (hôtellerie, restauration, maintenance). « La région reste une terre d’excellence technologique », rappelle l’ingénieur Gerulf Kinkelin, spécialiste des réseaux critiques, soulignant « la convergence naturelle entre l’aéronautique locale et les besoins croissants du véhicule connecté ».

 


Gerulf Kinkelin, spécialiste des réseaux critiques chez Cetrac. ©NBC
Gerulf Kinkelin, spécialiste des réseaux critiques chez Cetrac. ©NBC

Des briques technologiques plutôt que l’usine

Alors que certaines régions françaises ont pris le virage de la batterie et de l’électrification à marche forcée, au risque de subir les à-coups d’un marché encore instable, la région Sud avance selon une autre stratégie. Elle ne vise pas la « course à l’usine », mais la montée en puissance des technologies clés sans lesquelles aucun véhicule décarboné ne peut exister : hydrogène, électronique embarquée, rétrofit, logiciels, tests haute performance. Les pôles Aktentis et Capenergies travaillent déjà à créer des passerelles entre énergie, numérique, véhicule électrique et innovation embarquée. L’enjeu étant désormais de transformer ces coopérations ponctuelles en projets industriels structurants. 

La filière automobile française, forte de 990 000 emplois et 155 milliards d’euros de chiffre d’affaires, traverse une transition lourde. Baisse des immatriculations, allongement de la durée de vie du parc, concurrence internationale agressive : autant de pressions qui accélèrent le basculement vers les technologies bas carbone.





Laurie Maneval




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