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​Ces Français qui tentent de réinvestir l’Algérie


Rédigé le Dimanche 19 Mai 2024 par Nathalie Bureau du Colombier


28 entreprises marseillaises se sont rendues en Algérie, du 12 au 15 mai, à l’invitation de Business France Algérie. Parmi elles, de nombreuses sociétés de transit, des logisticiens et des armateurs, 95% des échanges transitant par la Méditerranée. Flairer les opportunités d’affaires, rencontrer des entreprises françaises déjà présentes et s’informer des nouvelles réglementations, tels étaient les objectifs de la visite.


Un nouveau régime des investissements a été décrété fin 2022 en Algérie. ©NBC
Un nouveau régime des investissements a été décrété fin 2022 en Algérie. ©NBC
Malgré les réformes récentes, l’Algérie demeure un pays difficile d’accès pour les français. « Tout n’est pas simple », lâche Pierre Bérégovoy, directeur général adjoint de BNP Paribas El Djazaïr. Depuis 2015, le groupe bancaire tricolore compte une filiale à 100 % en Algérie et possède 55 agences et 3500 clients entreprises. Mieux vaut donc prendre la précaution d’être bien conseillé, entouré avant de se lancer. Business France Algérie ouvre la voie aux investisseurs français depuis le début d’année en multipliant les opérations séductions. « Les entreprises françaises sont résilientes, elles souhaitent s’inscrire dans une dimension partenariale avec des opportunités pour réduire les coûts de production », souligne Romain Keraval, directeur de Business France Algérie.
« Depuis deux ans, le gouvernement met tout en place pour encourager le développement des affaires avec la loi de novembre 2022 et la mise à disposition de foncier pour favoriser les investissements. Le Conseil du Renouveau Économique Algérien (organisation patronale, ndlr) met en relation des entreprises françaises et algériennes pour contribuer à l’accélération des projets. Nous sommes confiants de cette dynamique. Avec de la résilience, nous parvenons à construire de nouveaux business fort des compétences et du marché. Les Algériens sont de grands consommateurs », a souligné Julie Bouchard, directrice générale de Castel El Djazair. 

 

La délégation d'entreprises marseillaises a été reçue à la CFCIA afin de mieux connaître le climat des affaires. ©NBC
La délégation d'entreprises marseillaises a été reçue à la CFCIA afin de mieux connaître le climat des affaires. ©NBC

Poids de l’économie informelle

Installé depuis 22 ans en Algérie, le groupe français possède des brasseries, produit des jus de fruits et détient 30 % du capital des sociétés d’embouteillages de Coca Cola. Le poids de l’économie informelle, demeure un frein pour les investisseurs étrangers. « Les Algériens sont plus agressifs du point de vue commercial et certains opérateurs réalisent la moitié de leur chiffre d’affaires dans le commerce informel », souligne Julie Bouchard. « Le commerce informel représente 50 à 60 % de l’économie », concède Michel Bisac, président de la CCI algero-francaise. Si certains grands groupes tels que Daher gardent le mauvais souvenir de l’incapacité de rapatrier en France leurs bénéfices, Michel Bisac, assure que cela fait désormais partie des idées reçues tout en rappelant la nécessité de bien monter les dossiers. 

Kamel Moula : « L’Algérie avance mais la France ne suit pas »

Stéphane Salvetat, président de  Via Marseille Fos. ©NBC
Stéphane Salvetat, président de Via Marseille Fos. ©NBC
L’ère de l’import-export est révolue. Le pays a sonné le glas du négoce et entend favoriser la production locale. Pour y parvenir, il a très fortement encadré l’importation de biens de consommation pour la revente en l’état et révise régulièrement la liste des produits interdits à l’import. « La loi de 2022 a contribué à la hausse des investissements directs étrangers de 20 à 25 %. Nous ressentons la dynamique sur les IDE. A compter de 2027, nous verrons de résultats avec l’installation de nouvelles activités », indique Ahmed Slimani, directeur des études chargé de la promotion des investissements et de la coopération au sein de l’Agence Algérienne de Promotion des Investissements (AAPI). Près de 300 entreprises françaises sont présentes en Algérie représentant entre 2,5 et 3 mds € investis. « La stratégie de production de l’Algérie devrait permettre un équilibre des flux. Nous voyons l’export en sortie d’Algérie augmenter », souligne Stéphane Salvetat, président de l’association de promotion de la place portuaire Via Marseille Fos. Et de rappeler que l’Algérie est le premier client du port et de l’aéroport Marseille-Provence.

Christophe Castaner, président du Conseil de surveillance du port de Marseille-Fos. ©NBC
Christophe Castaner, président du Conseil de surveillance du port de Marseille-Fos. ©NBC

Création d’une commission mixte MEDEF-CREA

Pour Kamel Moula, président du Conseil du Renouveau Économique Algérien, « L’Algérie avance mais la France ne suit pas. Il y a beaucoup d’opportunités ratées. Nous avons 7 000 projets d’investissement industriels qui vont permettre de substituer les importations par de la production locale. Nous avons beaucoup d’échanges avec le Medef en France et avons créé une commission mixte avec des objectifs par secteur d’activité. L’Algérie peut être une base arrière pour la production ». Le pays se prépare à la fin programmée des énergies fossiles en diversifiant son activité. La production de ciment, de clinker et le développement des énergies vertes comptent parmi les relais. 

Une stratégie confirmée par Abdelkrim Rezal, conseiller maritime auprès du ministre algérien des transports, inaugurant le premier forum maritime franco-algérien le 14 mai. « L’Algérie mise sur la chimie, l’agroalimentaire, les matériaux de construction et l’agriculture. Les exportations hors hydrocarbures pèsent 10 % du volume total. Nous voulons réussir le défi de la transition énergétique. Le pays ambitionne de devenir un acteur logistique de premier rang avec le corridor transsaharien », souligne-t-il. La Route transsaharienne, longue de plus de 4 500 km, relie les ports d’Alger et de Lagos en traversant l’Algérie, le Niger et le Nigeria. Alger et Marseille, pourraient servir d’interfaces entre deux corridors. Le président du port de Marseille-Fos, ardent promoteur de l’axe Méditerranée Rhône Saône, souhaite intégrer Alger dans l’hinterland. « Un corridor doit pouvoir se construire depuis l’Afrique vers Marseille et vers l’Europe. Notre hinterland de Marseille Fos intègre Alger. Nous devons renforcer nos liens. L’Algérie porte des investissements massifs pour s’ouvrir vers le continent africain et pour être cette porte vers la Méditerranée », souligne Christophe Castaner. Une ambition qui pourrait se concrétiser pour autant que les deux pays se rapprochent. C’est sans compter sur la montée en puissance de la Chine, devenue le partenaire majeur qui n’hésite pas à financer des infrastructures de transport, écrivant un nouveau chapitre des Routes de la Soie. 




Nathalie Bureau du Colombier

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