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«Ayez du courage !»


Rédigé le Lundi 16 Juillet 2012 par wp






Près deux ans de présidence de l’UPE 13, Jean-Luc Chauvin fait le point sur les dossiers chauds, et lance quelques pavés dans la mare…

BUSINEWS : Vous avez commencé votre présidence en 2010 en plein conflit portuaire. Comment analysez-vous la situation aujourd’hui et où en est l’idée des états généraux du port que vous aviez lancée ?
JEAN-LUC CHAUVIN : La réforme a été appliquée dans les délais ce qui n’était pas une évidence au départ. C’est une victoire pour le port, mais surtout pour ce territoire. L’Europe ne s’est d’ailleurs pas trompée en désignant Marseille comme l’un des cinq ports stratégiques en Europe. Ce n’est pas Gênes ou Barcelone qui ont été reconnus. La fiabilité qui a longtemps posé problème semble aujourd’hui retrouvée grâce au travail de Patrick Daher et de la communauté portuaire autour d’Hervé Balladur à la tête de Marseille Europort. Aujourd’hui l’objectif est de reconquérir des parts de marché et faire revenir les clients. C’est l’idée d’une plate-forme stratégique qui doit être partagée par les acteurs portuaires patronaux et syndicaux, le monde économique et politique, Etat compris. Le renouveau commercial du port doit être un engagement collectif à respecter et devenir l’axe central d’une politique partagée de développement économique local. Il faut démontrer aux clients que la ville, ses habitants et son port regardent dans la même direction. C’est l’avènement d’une ville-port unie qui ira de Marseille à Fos. 

BUSINEWS : Pour autant pensez-vous que les “vieux démons” qui ont longtemps plombé l’activité sont définitivement écartés ? Les derniers conflits sur la sécurité du port ont encore montré tout le pouvoir d’inertie de certains ?
J-L.C. : Effectivement on peut se demander pourquoi la CGT a le pouvoir sur le Port de remettre en cause une décision prise en toute légalité et souveraineté par une entreprise sur un appel d’offres privé. Ce n’est pas facile lorsqu’on est un entrepreneur ou responsable d’un établissement de dire non et donc de rester dans une situation de blocage mais c’est parfois indispensable. Il faut que tout le monde ait du courage, les entreprises, la direction du port et le préfet. La loi doit être respectée sur ce territoire et le préfet en est le garant. Pourquoi les intimidations continuent à l’intérieur du port ? Pourquoi lorsque d’autres syndicats que celui qui est majoritaire sur le port veulent se présenter aux élections, leurs candidats sont menacés y compris physiquement ?

BUSINEWS : Ces comportements ne sont-pas réservés à l’enceinte portuaire. Que comptez-vous faire à part en appeler au courage des victimes ?
J-L.C. : Il est vrai que ces exactions ne sont pas réservées au port. On l’a vu dans le cas de LR service par exemple où des voyous extérieurs à l’entreprise sont venu bloquer son activité durant des jours, ont envahi ses locaux, molestés gravement certains salariés,… tout cela pour faire pression sur le client de cette PME qui refusait de participer à un racket organisé. On l’a vu encore pendant l’épisode Fralib où le directeur a été victime d’actes odieux qui ont fait l’objet d’une plainte au pénal. Il s’agit de pratiques mafieuses qui n’ont plus rien à voir avec le syndicalisme. Tout aussi scandaleux dans un autre registre, le chantage par le blocage de quelques-uns dans une entreprise de déchets exercé en plein forum mondial de l’eau. Ces exactions ruinent le travail quotidien mené dans la majorité des entreprises par des vrais syndicalistes CGT, FO, CFTC, CGC, CFDT,… qui se battent eux pour l’intérêt collectif : ce dialogue social là est fondamental et il faut le saluer. Ces phénomènes lorsqu’ils se répètent nuisent à toute l’économie locale. Les entrepreneurs ont souvent du mal à les révéler par crainte de représailles encore plus fortes, c’est l’omerta qui règne. Il faut donc inventer probablement un « droit d’ingérence » dans ce type de conflits que pourrait exercer l’UPE 13, en déployant un arsenal de mesure légales pour constater les délits, les faire connaitre, les combattre juridiquement et pousser l’Etat à prendre ses responsabilité en intervenant immédiatement lorsque la loi est bafouée et en faisant appliquer les décisions de justice. Nous devons être prêts à riposter à la hauteur de l’agression subie. Nous nous organisons à l’UPE 13 sur le sujet. On ne pourra pas faire grandir ce territoire sans éradiquer le syndicalisme voyou. 

BUSINEWS : Sévères avec les syndicalistes voyous mais il y a aussi des patrons voyous… non ?
J-L.C. : Il y a effectivement des gens qui se sont pliés à ce système : il faut les dénoncer tout autant et davantage que nous le faisons habituellement. Il est évident que l’on ne peut pas combattre ceux qui prennent des bakchich en ignorant  ceux qui acceptent de les verser. Dans un autre registre, on ne peut pas tolérer certains comportements, même légaux, qui portent atteinte à l’éthique. Quand Maurice Levy de Publicis se prend comme il l’a fait 16.2 M€ de rémunération variable, il jette l’opprobre sur tous les entrepreneurs français par le comportement déviant qui est le sien. Ce n’est pas le montant de ses revenus qui est en cause – la formidable réussite de Publicis est totalement à son actif -, mais c’est l’hypocrisie de son discours qui est inadmissible. Un jour il demande à être taxé davantage, déclare renoncer à la partie fixe de son salaire (900 000 euros sur 3,6 millions de rémunération annuelle ndlr) sans dire qu’à 75 ans le jour où il va partir il touchera une clause de non concurrence d’un montant de 3,6 millions d’euros tout en restant le deuxième actionnaire de l’entreprise. C’est ce même Maurice Levy qui préside l’AFEP, association qui édicte des règles de bonne conduite sur la rémunération des grands patrons… Pour moi, c’est un criminel de la cause patronale. 

BUSINEWS : Vous avez milité jusqu’à présent sans grand résultat pour l’émergence d’une vraie métropole, aux cotés de la CCIMP. Les élus locaux ne vous ont pas suivi et ont créé le pôle métropolitain qui ne répond pas à vos attentes comment comptez-vous les convaincre du bien-fondé de vos positions ?
J-L.C. : Je pense au contraire que ce sujet avance. Peut être pas au rythme souhaité, mais les travaux du top 20, les actions du collectif «Mon Entreprise, Ma Ville» avec les syndicats de salariés ont peu à peu fait bouger les lignes, ont poussé les élus de ce territoire à sortir du statu quo, même si les décisions prises ne nous semblent pas suffisantes. STMicroelectronics à Rousset réclame depuis 20 ans une bretelle d’autoroute pour desservir son site. Grenoble l’a fait en un an et demi et du coup a pu accueillir les 500 nouveaux emplois de cette entreprise dont aurait pu bénéficier notre métropole. Pourquoi ce qui est possible à Lyon, Grenoble ou Lille n’est pas possible ici ? N’est-ce pas l’incapacité des élus locaux à travailler ensemble qui est à l’origine de cette situation ? Pourquoi nos transports en commun sont si peu efficaces alors que le versement transport des entreprises dans ce département est passé de 120 millions en 2008 à 250 millions en 2011. 

BUSINEWS : Quelles sont les conséquences économiques de ces dysfonctionnements et de ces absences d’infrastructures ?
J-L.C. : A quoi sont vraiment dus ici les deux a trois points de chômage de plus qu’ailleurs ? Nous avons la chance d’avoir sur ce territoire des leaders mondiaux, de belles entreprises aux activités diversifiées. S’ils restent c’est souvent plus par conviction et attachement à ce territoire que par intérêt stratégique pour leur entreprise. Combien de temps vont-ils résister à cette incurie à cette absence de projet collectif ? Or… ce n’est pas à nous de l’écrire mais nous en réclamons un justement pour avoir de la visibilité, un cap à suivre. On a trop de retard, on a perdu de l’attractivité. Si nos élus ne veulent ou ne peuvent construire cet espace cohérent dont le périmètre doit être calqué sur les réalités du bassin de vie et d’emploi, il faudra en passer par une nouvelle loi. Les économistes français l’ont dit : l’organisation en métropole nous fera gagner un à deux points de croissance.

BUSINEWS : Vous souhaitez en faire un enjeu des prochaines législatives ?
J-L.C. : Oui nous allons pousser les candidats aux législatives à se positionner sur le sujet. Jusqu’à présent les élus ont confisqué, détourné ce débat en agitant le chiffon rouge de la perte de proximité avec leurs concitoyens. On ne peut plus accepter que l’intérêt général des citoyens soit subordonné à la somme des intérêts électoraux des élus. Nous avons mis du temps à aboutir sur le port ou sur l’ouverture dominicale… pour la métropole la méthode sera la même. Mais le temps presse. Fort heureusement, nous avons ici des partenaires sociaux réformistes qui n’hésitent pas à s’engager pour le territoire au-delà de tout dogme, en signant des accords totalement inédits en France, comme sur l’ouverture dominicale dernièrement dans le but de faire gagner Marseille Provence 2013. Servons nous de cette dynamique. Nous, en tous les cas, nous ne lâcherons rien !

Propos recueillis par Thierry DEBAILLE
pour Businews magazine n°106

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