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Assises de la Transition Ecologique : la culture de l’adaptation


Rédigé le Vendredi 22 Novembre 2024 par Fabienne Berthet


Les 10e Assises de la transition écologique organisées par le Club immobilier Marseille Provence qui se sont déroulées à Marseille le 21 novembre dernier ont abordé des thèmes essentiels sur la nouvelle façon de faire la ville sur la ville.


Les Assises de la transition écologique organisées par le Club Immobilier Marseille Provence
Les Assises de la transition écologique organisées par le Club Immobilier Marseille Provence
Avec un parc résidentiel composé de 60 % de bâtiments construits avant 1974 (date de la première réglementation thermique), la filière immobilière possède de grandes marges de manœuvre pour lutter contre l’artificialisation des sols et pour la réduction de l’empreinte carbone. La loi sur le « zéro artificialisation nette » (ZAN) qui prévoit de réduire progressivement la consommation de foncier nouveau impose de « faire la ville sur la ville », selon la terminologie de plus en plus répandue. De nombreux promoteurs se penchent aujourd’hui sur la rénovation et la réhabilitation de bâtis, non consommateurs par essence de foncier nouveau. 
"Avec près de 5 millions de passoires thermiques, la mutation du patrimoine du bâti devrait être au cœur des préoccupations de l’ensemble des acteurs de l’immobilier, il faut embarquer la filière et créer des synergies », évoquent les membres du Club Immobilier, Diane Renouard, Mathias Berra et Jérôme Dentz. Comment envisager de privilégier désormais la rénovation, alors qu'elle génère complexité, risques techniques et financiers et difficultés à mettre en place un modèle économique fiable ?

Unité de temps et de lieu

Autant d’éléments qui découragent encore souvent les acteurs de la promotion immobilière à s’engager dans cet acte de bâtir aux vertus écologiques indéniables. Comment concilier patrimoine et rénovation à l’aune de la RE2025 qui imposera des limites plus strictes sur les émissions de gaz à effet de serre des bâtiments ? Le thème de la première table ronde de ces "Assises" a réuni Frédéric Aubanton, Architecte des Bâtiments de France, Emmanuel Dujardin, architecte, président de l'agence Rougerie +Tangram, Nabil Azmi, directeur associé chez Axiolis et Erwan Barbe, directeur associé chez Alltec. Elle s’est conclut par la présentation de deux projets de surélévation, l’Abeille Nice, un des premiers bâtiments surélevés en bois et un panorama de plusieurs projets en Ile de France.

« La première chose est de prendre en compte le bâti ancien et ses atouts écologiques », note Frédéric Aubanton. « Il faut avoir confiance dans les documents et avoir confiance dans la ville. Pour réussir la transformation d’un centre-ville, il faut une unité de temps et de lieu », relève Emmanuel Dujardin. La question de la densification foncière et la coopération nécessaire entre collectivités et habitants ont également été mis en avant par les intervenants ainsi que le rôle prépondérant des diagnostics et études préalables. Enfin, les contraintes et les opportunités techniques induites par la RE2025 dans la lutte contre les passoires thermiques ont été largement abordées. 

Le modèle économique de la rénovation

La deuxième table ronde a mis en lumière les modèles économiques de la rénovation avec Guillaume Tanguy, CEO et associé fondateur de Pivot Panda, Sylvain Giudicelli, dirigeant fondateur d’Up Investissement, Malvina Callay, directrice régionale de la filière réhabilitation du Groupe Altarea et Didier Mignery, CEO et fondateur de UPFACTOR.
Pour Up Investissement, le travail consiste à « sourcer et trouver des actifs, puis les réhabiliter pour les valoriser, que ce soit dans le logement, dans des bâtiments tertiaires ou dans le stockage. 30 000 mètres carrés ont déjà été rénovés et 4,5 M€ de fonds engagés. Avant d'être une obligation, la rénovation est une question de bon sens ».

Pour conclure, des exemples de réhabilitation portés par Pivot Panda ont été mis en avant, notamment un espace de co-working rue Dieudé, avec un projet d’hôtellerie alternative de 18 chambres, Maison Juste.  La question du coût a bien sûr été abordée. Pour la filière réhabilitation d’Altarea qui gère 1000 lots par an sur le territoire national, les coûts des travaux sont supérieurs de 2,5 fois à ceux du neuf. "Pour pouvoir absorber, on s’appuie sur des lois de défiscalisation comme la loi Monuments Historiques datant 1913, la loi Malraux et le déficit foncier".
L’innovation a également sa place comme l’incarne Up Factor, proptech qui vise la mise en place de nouvelles formes de construction par la surélévation. « Le travail se fait au cas par cas. L’idée est d’aller valoriser un droit à construire », relève Didier Mignery, son dirigeant.

Condition indispensable : travailler collectivement

La troisième table ronde, « quels impacts de la rénovation sur la transformation des villes », a vu les interventions de Franck Caro, directeur général de la Spla-In, Anne-Christel Lextrait directrice du développement immobilier chez Unicil, David de Araujo, directeur Var de la Caisse des Dépôts et Jean-Sébastien Grellet Aumont, directeur du développement du Groupe Sebban.

Sur la question du traitement de l’urgence quand le code de l’immobilier ralentit les process, les professionnels présents ont pointé une piste simple : la capacité à réapprendre ensemble. « Il faut documenter collectivement les récurrences, collecter des données et les partager », propose Franck Caro, tandis que pour Anne-Christel Lextrait, « la vraie urgence est de loger les gens, si on prend la mesure de la crise sociale très profonde qui s’annonce ». Unicil, qui a pour ambition de baisser ses émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici 2030, travaille dans plusieurs axes dans la ville, sur les pleins, sur les vides, sur les îlots de chaleur.

Pour la Caisse des Dépôts, l'important reste le long terme, un positionnement plutôt logique quand on a 52 Md€ de fonds propres pour investir dans des projets d’Intérêt général. Quant au groupe Sebban, s'il est convaincu que le commerce en centre-ville redonne une fierté aux habitants des métropoles, il se dit également certain que l’initiative privée ne peut pas tout et que l'action publique volontaire est indispensable pour requalifier les centres villes, à l'image de ce qui s'est passé dans le centre-ville de Toulon.
En conclusion, Franck Boutté, grand témoin de la manifestation, Grand prix de l’urbanisme 2022, pense qu'il faut « anticiper sur les conditions de demain. Nous assistons à l'émergence de la culture de l’adaptation ! »




Fabienne Berthet




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