La mine grave, Johan Bencivenga, le président de la fédération du bâtiment, a présenté les résultats de la conjoncture du BTP dans les Bouches-du-Rhône. « Une baisse historique de la plupart des indicateurs au premier semestre 2014 n’annonce aucune perspective favorable d’ici la fin de l’année 2015 » relève le document de synthèse de la fédération. Une situation aggravée par la concurrence déloyale créée par le nombre très important de travailleurs étrangers détachés sur le territoire.
Johan Bencivenga président de la FBTP13 et son vice président Jean Bianciotto ont égrainé les mauvais chiffres du BTP. Ouvertures de chantiers de logements neufs en baisse de 9,7%, commandes pour l’entretien et la rénovation en chute de 1,1%. Défaillances d’entreprises en hausse ( + 7%). Dégringolade de l’interim (- 6%) , dégradation de l’emploi de 1,1%, soit 1000 postes supprimés environ depuis le début de l’année dans le secteur. “ Pareille situation ne s’était pas vue depuis une vingtaine d’années ” commente Philippe Meiffren conseiller de la FBTP13. A ce contexte pour le moins déprimant viennent s’ajouter les ravages engendrés par la directive « détachement » ex Bolkenstein. Tout part de la mauvaise habitude des collectivités locales à toujours choisir pour se protéger les professionnels les moins disants dans les appels d’offres publics. Même si l’on sait que c’est rarement un bon calcul économique à moyen terme, la pratique est généralisée. Une méthode qui aboutit à des offres anormalement basses obtenues grâce au recours à des salariés détachés des pays de l’Est où l’heure de travail est rémunérée 1,80€, en Roumanie par exemple, ou 7€ en Pologne contre 34€ de l’heure en France. Si les salariés sont soumis en principe au droit du travail français, les charges elles sont payées dans le pays d’origine ce qui autorise des réductions de cout pouvant aller jusqu’à 30%.
Toute la filière menacée
Quand on sait que le coût de la main d’oeuvre pèse pour 40% environ dans le prix final on comprend mieux cet engouement pour les travailleurs des pays de l’Est. Le phénomène touche d’ailleurs aussi les cadres et ingénieurs de la profession. Si dans la plupart des cas ces pratiques sont légales de nombreuses fraudes ont été constatées avec double bulletin de paye par exemple. Le premier au smig en France jamais payé mais présentable en cas de contrôle et l’autre versé dans le pays d’origine selon les « tarifs » en vigueur. Les moyens de l’administration pour contrôler et sanctionner les fraudeurs étant limités et souvent mal ciblés, ces pratiques font florès. On compte en France plus de 350 000 travailleurs détachés pour le seul secteur du BTP. On peut estimer à 30 000 le nombre de salariés du BTP étrangers dans la région. « Cette situation est d’autant plus intolérable qu’elle met en concurrence non pas seulement les entreprises entre elles, mais les salariés entre eux » commente Jean Bianciotto. « Nous assistons à une casse de la filière qui est menacée dans son ensemble. La situation de l’emploi va s’aggraver considérablement notamment chez les TPE familiales, le nombre d’embauches en CDI va forcément diminuer et cette main d’oeuvre low cost va se répandre ».
Thierry Debaille
oolive