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L’UPE 13 confronte sa vision de l’Europe à six candidats aux élections


Rédigé le Samedi 18 Mai 2024 par Jean-Christophe Barla


Ce 16 mai se sont tenues à l’aéroport Marseille Provence « Les Matinales de l’Europe » de l’UPE 13 avec six représentants de listes en lice le 9 juin. Trois thématiques au programme, industrie, maritime, logement. Les idées ont fusé !


Les six candidats : Loïc Gachon, Christine Juste, Gregory Allione, Franck Allisio, Laure-Agnès Caradec et Emmy Font (Photo JC Barla)
Les six candidats : Loïc Gachon, Christine Juste, Gregory Allione, Franck Allisio, Laure-Agnès Caradec et Emmy Font (Photo JC Barla)
« Pour une fois, on a réussi à parler d’Europe sans tout ramener au national ! Je retiens que vous êtes tous pour l’Europe, mais de manière différente », s’est réjoui Philippe Korcia, président de l’UPE 13, en conclusion des échanges des « Matinales de l’Europe », le 16 mai dans le salon panoramique de l’Aéroport Marseille Provence. La matinée a été dense et intense, chaque candidat aux élections européennes du 9 juin étant soumis à un cadre d’expression strict (2 mn par thématique) et une équité absolue.

Six représentants de listes en lice avaient donné suite à la sollicitation de l’UPE 13 pour exposer les idées et ambitions de leurs partis sur l’industrie, le maritime et le logement. L’événement ponctuait quatre rencontres tenues depuis le mois d’avril avec les fédérations professionnelles afin d’établir une série de souhaits des entrepreneurs pour que l’Europe s’emploie vraiment à favoriser le développement de leurs sociétés plutôt que de leur ajouter des poids aux pieds avec une inflation normative qui complexifie la gestion quotidienne et freine les potentialités d’expansion.

Apprendre à mieux utiliser les fonds européens

« L’Europe, c’est 70 % des normes qui impactent notre économie, elle s’insère à tous les niveaux de notre quotidien professionnel », rappelle Philippe Korcia. « Il est donc important d’œuvrer ensemble pour que nos idées soient portées en haut lieu ». Le Medef a édité une plaquette intitulée 30 propositions pour une Europe qui entreprend dans cet objectif, à la suite d’une consultation menée depuis décembre 2023.

« Il faut se reconcentrer sur l’essentiel et se délaisser de l’accessoire », demande Garance Pineau, directrice générale du Medef, avant que Renaud Muselier, président de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur et autoqualifié d’ « Européen convaincu et acharné », ne rappelle combien les fonds européens ont approvisionné ces dernières années des projets régionaux, de quelques dizaines de milliers d’euros à plusieurs millions. « Quand j’étais député européen, la France ne savait pas se servir de l’Europe. Quand nous avons été élus à la Région, les fonds européens représentaient 300 millions d’euros sur le territoire. Nous sommes passés à 5 milliards d’euros, puis maintenant 10 milliards d’euros. Nous sommes face à un monde particulièrement hostile autour de nous. Je suis pour la paix et l’addition des différences. Une Europe industrielle et puissante, c’est une Europe démocratique », a-t-il martelé, soucieux que les enjeux franco-français ne « polluent » pas la vocation et les débats de l’élection européenne à venir. 

Une souveraineté énergétique à bâtir en commun

La teneur des interventions a d’abord démontré les fortes attentes du monde des entreprises. Maintenant que l’Europe se pratique depuis plusieurs décennies, chacun mesure mieux ses avantages et ses inconvénients qui suscitent, du coup, des exigences. Sur l’industrie, la nécessité de décarboner les activités n’est évidemment pas contestée. « On est à la croisée des chemins », note Frédéric Busin, délégué régional d’EDF. Il insiste sur la capacité du territoire à devenir « un hub de production d’hydrogène », sur la constitution d’une filière « carburants de synthèse », sur les promesses de l’éolien offshore pour la zone industrialo-portuaire de Fos, sur la reconquête d’une existence européenne face à la Chine dans la production de panneaux photovoltaïques ou encore sur la nouvelle génération de réacteurs nucléaires... « L’avenir est devant nous ! L’Europe peut aider à créer un modèle économique pour y parvenir », dit-il, déterminé à éviter de « nouvelles dépendances énergétiques ».

Philippe Bernand, président du directoire de l'Aéroport, pose la plateforme comme « un promoteur des carburants durables, une filière doit se construire dans le domaine pour réussir le virage de sa décarbonation. On a tout ce qu'il faut ici ! ». Délégué régional de France Chimie Méditerranée, Stéphane Bergamini lui emboîte le pas sur les atouts provençaux, mais il réclame de veiller à ce que la décarbonation engagée ne pénalise pas les TPE-PME. « Elles n’ont pas la même capacité d’adaptation aux normes européennes, il faut leur laisser le temps de les absorber ». Il espère que l’Europe saura devenir une championne des technologies bas carbone accessibles à tous et Made in Europe, conscient, néanmoins, que le défi s’apparente à « une bataille » face au protectionnisme affiché de l’Asie ou de l’Amérique.

Une Europe qui accompagne et (se) protège

Cette « souveraineté industrielle », tous les candidats s’en font les défenseurs, avec plus ou moins de conviction. Au nom de Renaissance, Grégory Allione réclame d’ « arrêter l’Europe naïve ». Pour lui, elle est ainsi dans son rôle quand elle soutient les investissements de décarbonation d’ArcelorMittal Méditerranée. Christine Juste (Europe Ecologie-Les Verts), tout en prônant la relocalisation d’industries et la sobriété, milite pour que l’Europe définisse « une stratégie d’économie circulaire » qui aboutisse à son exemplarité internationale en matière d’écoconception, de recyclage des matériaux, de réutilisation, de réduction de la consommation de ressources naturelles.

Loïc Gachon (Place Publique/Parti socialiste) veut reconquérir « une souveraineté européenne en sortant du dogme du libre-échange ». « Il faut doter l’Europe de fonds souverains pour accompagner les projets stratégiques », affirme-t-il. Franck Allisio (Rassemblement national) préfère imaginer l’Europe comme « un facilitateur et un relais du territoire » plutôt que « l’idiot utile d’un village global ». « Il faut le protectionnisme que font tous les pays », dit-il.

Laure-Agnès Caradec (Les Républicains) insiste sur les similitudes entre le programme de son candidat et les propositions du Medef. « Il faut changer de cap et maîtriser notre destin. On attend que l’Europe aide notre métropole portuaire à se doter des infrastructures nécessaires ». Quant à Emmy Font (Reconquête), elle ne manque pas de rappeler les responsabilités que les partis des uns et des autres ont dans la désindustrialisation de la France. A ses yeux, « la relance de la filière électronucléaire permettra de répondre au besoin de souveraineté énergétique ».

Des retards à rattraper avec de la simplification

Dans le domaine maritime, Jakob Sidénius, président de l’Union Maritime et Fluviale (UMF), et Martin Féraud qui en est le secrétaire, ont attaqué leur propos en rappelant aussi combien les ports français avaient reculé en vingt ans par rapport à leurs concurrents européens, faute d’investissements et de mutations nécessaires. « Dunkerque, Le Havre, Marseille-Fos, ce sont 13 milliards d’euros de valeur ajoutée cumulée. S’ils avaient évolué comme les autres ports européens, ce serait 20 milliards aujourd’hui », mentionne Martin Féraud. Ce qui n’empêche pas d’être parfois précurseur et en avance, comme avec l’électrification des quais menée par le GPMM. Il évoque les distorsions de concurrence, le dumping social et bien sûr la lourdeur des normes. « Il faut trouver de la simplicité et de l’harmonisation », insiste-t-il.

Cette « accumulation de normes » n’est pas perçue de manière identique par les candidats interrogés. Christine Juste se félicite du « Green Deal » qui a permis de forcer la main des acteurs économiques pour qu’ils s’engagent dans la décarbonation. « Ce mandat accentuera toutes les transformations », promet-elle, espérant voir se développer des plateformes énergétiques et multimodales. « Le monde change, changeons nos règles », estime Grégory Allione qui souhaite « un bouclier commercial européen pour éviter le dumping social ». Pour lui, chaque directive adoptée doit donner lieu à la suppression d’une autre qui n’a plus lieu d’être. Pour Laure-Agnès Caradec, « deux doivent être supprimées pour une adoptée ».

Un report modal à accélérer par un hinterland renforcé

La question de l’accroissement des relations du Port avec son hinterland fait, au contraire, l’unanimité, en particulier s’il se caractérise par de meilleures connexions ferrées et fluviales. « La logique de l’hinterland est typiquement européenne », pour Loïc Gachon qui espère voir demain l’Europe exporter plus de produits qu’elle n’en importe. Emmy Font juge qu’il est temps de soulager les routes européennes du trafic de poids lourds, elle regrette que les projets fluviaux imaginés voici cinq ans pour l’axe Méditerranée-Rhône-Saône tardent à se concrétiser, alors que « c’est un atout pour le Port ». Franck Allisio relève pour sa part que « CMA CGM qui investit, crée des projets, fasse plus pour notre territoire que l’Union européenne qui prend 100 euros, en rend 60 et dit comment les dépenser ». Pour Laure-Agnès Caradec, « L’Europe doit être au rendez-vous du maritime » d’autant plus que le GPMM représente 45 000 emplois directs et indirects sur le territoire.

Cascade de difficultés à résoudre sur le logement

La dernière thématique portait sur le logement. Il n’est pas une compétence européenne mais la situation est devenue sensible dans notre région, en France et dans d’autres pays européens. Là encore, le constat de régression est plus qu’alarmant, comme le constate Arnaud Bastide, président régional de la Fédération des Promoteurs Immobiliers. « Il faudrait 500 000 logements par an en France. Ces dernières années, il en a été produit 90 000 par an. Et on arrive toujours à faire plus bas ! On vit aujourd’hui les conséquences catastrophiques des années 2019-2020 ». Il énumère les difficultés, le manque de foncier accessible, la fiscalité plus lourde qu’ailleurs, la surenchère de normes, les crises successives (Ukraine, énergie, augmentation des taux…) qui ont fait exploser les coûts… « L’argent n’est pas là, mais les sujets sont vertigineux », estime-t-il. Cyril Sauvat, président de la FBTP 13, avance qu’ « il faut mieux d’Europe » et notamment en finir avec « les excès réglementaires mortifères pour nos activités » alors que les entreprises doivent assurer parallèlement transitions écologique et numérique. Sa priorité : que chaque nouvelle réglementation soit concertée avec les professionnels pour éviter d’aboutir à des aberrations.

Désaccords sur la manière de s’y prendre avec l’Europe

Franck Allisio assure que le marché allemand est « plus sain ». Pour lui, avant de réclamer quoi que ce soit à l’Europe en matière de logement, « il faut d’abord résoudre les problèmes franco-français entre nous », en particulier sur le poids de la fiscalité ou les aides attribuées. Laure-Agnès Caradec n’est pas loin de cette conviction quand elle réclame de « réviser la loi SRU » même si « c’est un chantier colossal » au même niveau que la simplification normative où « des lois se contredisent en permanence ». Pour Christine Juste, il n’est néanmoins pas question de reculer car « le bâtiment et la construction sont les principaux contributeurs des émissions de CO2 ». Selon l’écologiste, solliciter la banque centrale européenne (BCE) ou la banque européenne d’investissement (BEI) pourrait accélérer la marche vers « un parc immobilier et des villes neutres en carbone », mais sûrement pas la simplification des normes.

S’il n’est pas d’accord sur ce dernier point en fustigeant « l’empilement des directives », Grégory Allione s’avoue convaincu que « l’Europe doit être associée à la politique du logement car cette crise pénalise l’ensemble de l’économie ». Il se dit partisan d’un « conseil » qui contribuerait à harmoniser les pratiques. Loïc Gachon affirme aussi que l’Europe doit se mêler de politique du logement, au moins pour l’accompagner. Pour augmenter sa capacité d’action, il souhaiterait « un plan Marshall » en partenariat avec les Etats qui intègre « la lutte contre le sans-abrisme ». Plutôt que de réduire les normes, il privilégierait la recherche de « convergences ». Emmy Font défend, elle, un point de vue complètement opposé, jugeant qu’il ne faut surtout pas étendre les compétences européennes puisque « les tentacules de l’UE atteignent déjà le secteur ». Elle veut supprimer le Pacte Vert (Green Deal), la loi SRU « pour rendre leur liberté aux communes ».

Garance Pineau et Philippe Korcia (Photo JC Barla)
Garance Pineau et Philippe Korcia (Photo JC Barla)

Une urgence à réussir dans une bataille à armes égales

Dans leurs conclusions, les uns et les autres ont laissé apparaître leurs dissensions entre une Europe renforcée, « essentielle », « concrète », « équitable » pour mieux harmoniser les pratiques et réglementations étatiques et une Europe allégée qui redonne un peu plus de pouvoir aux nations. Mais, comme l’a souligné Garance Pineau, « je suis frappée par des convergences qui n’existaient pas il y a cinq ans, tout le monde est plus ou moins pro-européen ». Elle souligne l’ampleur de la tâche que devra assumer le prochain Parlement. « Il y a 15 ans, le PIB européen était équivalent à celui des Etats-Unis. Aujourd’hui, il est à 55%. Le décrochage est à l’œuvre. Il y a un sentiment d’urgence, il faut y répondre », dit-elle, mentionnant que « pour le Medef, la bonne échelle, c’est l’Europe, car la France seule ne pourra pas faire grand-chose ». Philippe Korcia réclame que les entreprises puissent affronter leurs concurrentes « à armes égales. L’Europe peut être une aide dans ce combat. Nous sommes français mais nous devons être aussi européens pour bâtir une Europe meilleure ».




Jean-Christophe Barla

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