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La Médiation Interentreprises


Rédigé le Mercredi 19 Septembre 2012 par oolive




Aujourd’hui, en raison du développement des structures dédiées à la  résolution des litiges hors prétoire on ne peut ignorer les modes alternatifs de règlement des conflits (MARC) mais force est de constater que si on parle beaucoup de ces pratiques, très développées outre Atlantique, elles restent encore trop confidentielle en France malgré leurs nombreux avantages.

Les reproches faits au système judiciaire sont pourtant bien connus : la justice est considérée comme coûteuse et complexe en raison notamment de la jurisprudence. On peut ajouter l’aléa judiciaire et la durée des procédures. Le recours à la médiation, qui est une démarche au caractère amiable  amenant des solutions innovantes devrait donc bien correspondre à une  réelle attente des chefs d'entreprises qui connaissent des litiges. Pourtant  cette alternativeappropriée, rapide et d'un coût raisonnable avec une  maîtrise de bout en bout de la solution à leur différend par les médiés, est encore peu utilisée dans le cadre de litiges commerciaux. Aussi il convient de s’interroger sur les conditions susceptibles de favoriser le développement du recours à la médiation qui suppose toutefois 2 préalables : la bonne foi des parties et leur volonté de parvenir à un accord. 

Il faut s’entendre préalablement sur  ce que recouvre le terme de médiation car la définition de cette notion donnée dans les dictionnaires "entremise destinée à se mettre d'accord"est assez lapidaire et peu représentative de ce mode de régulation des litiges. Les médiateurs s’accordent majoritairement sur celle donnée par Michèle Guillaume Hofnung, indépendamment de son champ d’application : « processus de communication éthique reposant sur la responsabilité et l’autonomie des participants, dans lequel un tiers - impartial, sans pouvoir décisionnel ou consultatif, avec la seule autorité que lui reconnaissent les médiés  - favorise par des entretiens confidentiels l’établissement, le rétablissement du lien social, la prévention ou le règlement de la situation en cause »

Les MARC sont pluriels et il est utile aussi de préciser succinctement les différences entre négociation, conciliation, arbitrage et médiation :

La négociation est une transaction qui ne suppose aucune intervention d'un tiers. Intervient souvent par anticipation des risques contentieux.
La conciliation prévue par l'article 21 du NCPC : le conciliateur a pour mission de pondérer l'animosité des parties et de leur proposer des solutions amiables. L'accent est mis sur la fin, c'est-à-dire l'accord.
La médiation s'attache davantage à favoriser le dialogue, à reformuler les propositions respectives pour aider les parties à concrétiser un accord.
L'arbitrage s'impose aux entreprises comme un jugement. L'arbitre, comme le juge, prononce une sentence exécutoire.

 Nota  - Il n’y a pas de raison en droit de différencier radicalement conciliation et médiation, car toutes deux sont des processus visant à régler un litige par la recherche d’un accord. Cependant, une nuance doit être apportée car la conciliation peut aussi exister sans conciliateur, c’est-à-dire sans tiers, alors que la médiation suppose nécessairement un intermédiaire : le médiateur.
- Il existe une méthode hybride baptisée med-arb dans laquelle le médiateur devient arbitre en cas d’échec de la médiation mais cette pratique, qui ne concerne que des litiges très importants, est rarement utilisée. 

On peut constater que le processus de médiation, bien que relativement ancien, est souvent méconnu par nombre de dirigeants qui se demandent concrètement comment on parvient à la médiation ?Aussiil faut tout d’abord, semble-t-il, familiariser les entrepreneurs et leurs conseils avec ce processus.

Dans le cadre de la médiation conventionnelle, celle ci est initiée à la demande d’une entreprise, soit parce qu’une clause du contrat à l’origine du différend la prévoit, soit parce qu’elle choisit d’y recourir  librement. La première étape consiste donc à faire appel à une association dûment reconnue qui proposera un médiateur répondant au profil du litige présenté. Alors il appartiendra à celui ci de surmonter la difficulté à convaincre la partie adverse que cette proposition peut être positive pour tout le monde et qu’elle n'est pas le reflet d'une position juridique faible. Ensuite ce tiers neutre aura pour mission d’aider les parties à trouver elles-mêmes une solution négociée optimale, dans le respect de leurs intérêts réciproques. Si la médiation aboutit, elle se termine par un accord qui fait l’objet d’un protocole signé par les intéressés, ce qui lui confère l’autorité dite « de la chose jugée », c’est-à-dire une autorité semblable à celle d’un jugement s’il s’agit d’une transaction.

La médiation judiciaire, instaurée par la loi du 8/02/95 et complétée par le décret du 22/7/96 qui en a précisé les conditions d’application ( articles 131-1 à 131-15 du NCPC ), peut être ordonnée par le juge civil ou commercial, à sa propre initiative et après assentiment des parties (ou à la demande de celles ci) et aussi bien pour les litiges pendants devant les tribunaux d’Instance et Grande Instance, les tribunaux de commerce et les Cours d’Appel. A l’issue de la médiation, le médiateur informe, par écrit, le juge de ce que les parties sont ou non parvenues à trouver un accord. En cas d’échec, l’instance reprend son cours, et sans accord des 2 parties tout ce qui a été échangé au cours de la médiation demeure confidentiel. En cas de succès, les parties ont la possibilité de soumettre leur accord au juge pour homologation.

Dernièrement le décret n°2012-66 du 20 janvier 2012 a créé dans le Code de procédure civile un livre V consacré aux modes de résolution amiable des différends en dehors de toute procédure judiciaire. Il stipule notamment  à l’article 1528 que « Les parties à un différend peuvent, à leur initiative et dans les conditions prévues par le présent livre, tenter de le résoudre de façon amiable avec l'assistance d'un médiateur, d'un conciliateur de justice ou, dans le cadre d'une procédure participative, de leurs avocats » et à l’article1529 que « les dispositions du présent livre s'appliquent aux différends relevant des juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière civile, commerciale, sociale ou rurale, sous réserve des règles spéciales à chaque matière et des dispositions particulières à chaque juridiction ». 

Les points d’application  de ce processus souple, simple à mettre en œuvre, totalement confidentiel et peu coûteux. sont très variés et toutes les formes d’organisations sont concernées (SARL ; SAS ; SA …) ainsi que les entreprises de toutes tailles : TPE ; PME/PMI ; ETI ; Commerçants, Artisans… La plupart des domaines et secteurs d’activité sont de son ressort, y compris les éventuels conflits entre associés. Proposer d’inscrire une clause de médiation lors de la conclusion d'un contrat, outre le fait de montrer que l'on est prêt à rechercher une solution amiable à un litige qui pourrait survenir, est une bonne pratique qui doit être encouragée par les conseils et tous les acteurs du monde économique (CCI et  Unions patronales en particulier). En tout état de cause la médiation doit être proposée dès la naissance d’un litige avant que les positions soient figées si possible. 

Il n’est pas inutile de rappeler le rôle des différents acteurs de la médiation pour lui offrir le maximum de chances de succès. Celui du médiateur est en premier lieu de dépassionner le conflit, d’écouter les parties, de les laisser exposer leurs prétentions sans juger et ensuite de les aider dans la recherche de solutions à leur différend. La compétence et l’éthique des médiateurs sont des points essentiels et il est bon de préciser que les médiateurs ont été formés aux techniques de médiation en vue de développer leurs qualités de négociateur. Ils ont pour mission d’établir une logique de dialogue, d’écoute et de respect mutuel et leur désignation est opérée par une commission en fonction de leurs compétences professionnelles et du profil désiré par les parties.

Avant le processus de médiation, l’avocat donne à son client une appréciation pondérée des avantages et des inconvénients des procédures envisageables dans le cadre du litige et établit un diagnostic.  Il peut bien entendu émettre un avis sur le choix du médiateur et durant le processus de médiation il doit s’efforcer de donner une information claire, précise et objective sur le déroulé de chaque étape de la médiation. A l'issue du processus il participe à la rédaction du protocole d'accord et au suivi de son exécution. En cas d’échec de la médiation il est lerecours naturel dans le cadre du retour à la procédure.

Il faut aussi souligner le rôle des parties au cours de la médiation car accepter de participer à une médiation, c'est mettre entre parenthèses toute passion durant les réunions d’échanges et considérer le médiateur comme un auxiliaire précieux pour la mise en œuvre d'une solution raisonnable et équitable au litige.

En conclusion on peut souligner que  la médiation se caractérise par une souplesse dans le processus de règlement du litige et une confidentialité des propos échangés. La possibilité de dégager des accords partiels est également offerte et la maîtrise des décisions par les parties est permanente. De plus, la rapidité de mise en œuvre des réunions de médiation, évitant des procédures judiciaires longues et coûteuses et privilégiant la reprise du dialogue, est fort appréciable. On peut dire que son succès repose à la fois sur les qualités du médiateur (indépendance, impartialité, qualité d’écoute, pragmatisme, compétence professionnelle …) et l’aptitude des parties à faire preuve d’une réelle volonté de résoudre leur conflit autrement. Enfin, il faut ajouter que toute stratégie de facilitation pour élaborer un compromis ne peut réussir que si les médiateurs ont bien compris les valeurs qui sont en jeu mais surtout si les médiés ont  réellement pris en compte la perception de l’équité propre à chacune des parties.

Yves RIONDET (Vice Président Aix Médiation)
Hôtel Maliverny - 33 rue Emeric David- 13100 Aix en Provence. Président Délégué Bâtonnier Dominique CHABAS          

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