Menu

La Métropole : Vraiment ? …


Rédigé le Mardi 9 Octobre 2012 par oolive






En lançant sur fond de règlements de compte en série sa petite phrase sur la nécessité de faire appel à l’armée pour rétablir l’ordre à Marseille, Samia Ghali sénatrice PS a déclenché sans s’en douter une réaction en chaine salvatrice.

La deuxième ville de France souvent dépeinte comme empêtrée depuis des décennies dans son marasme clientéliste, dans ses dérives mafieuses et autres affaires  de corruption nauséabondes avait certes besoin que l’Etat vienne remettre de l’ordre pour corriger une forme sournoise de laisser-aller généralisé.

A nouveau l’Etat reprend en main les affaires de Marseille comme il le fit déjà par le passé et place ce coin de France rebelle sous une forme de tutelle morale. Un joli camouflet pour la classe politique locale qui ne s’en est même pas véritablement offusquée, si peu encline à partager une vision commune sur l’avenir de ce territoire. Les visées électoralistes individuelles et à courte vue l’emportant jusqu’à présent sur une vraie stratégie de développement global du territoire. Pas étonnant que le premier ministre Jean-Marc Ayrault ait prononcé à plusieurs reprises lors de sa venue à Marseille  les mots « intérêt général » comme un Saint-Graal à rechercher. La proximité de l’échéance de 2013, année où Marseille sera sous les feux de l’actualité culturelle, et les enjeux des municipales de 2014 ne sont surement pas étrangers à cet intérêt subit de la nation pour une situation locale pour le moins compliquée.

Pauvre Marseille !

Avec 28% de la population qui vit en dessous du seuil de pauvreté,  un taux de chômage supérieur de trois points à la moyenne nationale et qui frise les 40% dans certains quartiers, un marseillais sur deux non imposable et deux actifs sur trois employés par le secteur public ou para public, la grande agglomération marseillaise souffre d’une paupérisation galopante. La décolonisation et ses conséquences en termes de mutations industrielles et d’immigration comme le rendez vous volontairement manqué par Gaston Deferre de la communauté urbaine ont peu à peu accentué le phénomène de déclin en faisant supporter à la ville toutes les charges de la centralité sans en avoir les ressources. L’exode à partir des années 70 des entreprises marseillaises et de leurs cadres vers les communes avoisinantes, notamment Aix-en-Provence, jugées souvent plus « fréquentables » et accueillantes sur leurs zones industrielles n’a fait que renforcer cet appauvrissement larvé en privant la ville centre d’une fiscalité qui a profité aux autres communes de la périphérie. C’est sur ce terreau que pousse aujourd’hui la grande précarité mère de toutes les délinquances, ordinaires comme plus sanglantes. Bien décidés à ne pas collaborer avec la grande et pauvre voisine et assis sur un fonds de commerce électoral du «  tous contre Marseille », six groupements intercommunaux ont vu le jour autour de la cité phocéenne. Les presque deux millions d’habitants de ce grand bassin d’emploi payent au quotidien le prix fort de cette politique de cloche-merle et de ces « petits arrangements entre ennemis » comme l’a dénoncé Jean-Luc Chauvin, le président de l’upe13.

Deuxième ville la plus embouteillée d’Europe

Des dizaines de milliers d’aixois, d’aubagnais viennent travailler chaque matin à Marseille et vice versa. Si on va se distraire plutôt à Aix, on se fait soigner principalement à Marseille et on étudie indifféremment dans les deux villes. Sans parler de l’étang de Berre qui concentre l’essentiel du potentiel de l’emploi industriel du département où l’on ne peut se rendre qu’en voiture. Les coûts de déplacements en véhicule personnel représentent une moyenne de 250 euros par mois pour plus de 70% des salariés des Bouches du Rhône. En été la pollution par l’ozone atteint des seuils critiques pendant plusieurs semaines. Cette réalité sociologique a semble-t-il échappé aux élus de tous bords qui se sont murés dans une forme d’autisme aux conséquences multiples. La plus lourde c’est bien sur l’absence d’organisation des transports en commun à l’échelle de ce grand bassin d’emploi. Les embouteillages monstres entre Marseille et Aix, Marseille et Aubagne ont atteint des proportions terribles au point de placer Marseille à la deuxième position des villes les plus embouteillées d’Europe, après Varsovie, dans un classement réalisé par le fabricant de GPS tom tom.

 Thierry Debaille
Illustration: Thierry Vaude

 


 

Patrons et salariés montent au créneau.

Dès les élections municipales de 2008 le collectif « Mon Entreprise Ma Ville », composé à parité de syndicats de salariés et d’organisations professionnelles, avait montré à travers un sondage les impacts négatifs en termes d’emploi que constituait ce manque de cohérence global du territoire. La chambre de commerce et l’UPE13 militent depuis plusieurs années sur ce même thème, comme le top 20, club de grands dirigeants d’entreprise, qui avait déjà défini un certain nombre d’axes prioritaires indispensables au développement économique local. Rien n’y a fait. Pire les présidents des groupements intercommunaux, pour répondre à la pression, ont opté pour un « pôle métropolitain », outil de coopération à la carte, qui devrait voir le jour en janvier 2013 mais qui dans le fond ne présente aucune différence en termes de moyens et de cohérence de décision avec l’organisation actuelle,  permettant toujours à chaque commune de continuer à faire cavalier seul si elle le souhaite et de diluer les responsabilités. Chez les patrons la colère est montée d’un cran. Tracts et manifestations autour du slogan « ras le bol, on veut la métropole » ont émaillé le département l’été dernier.

 


 

Le coup de semonce de Jean-Marc Ayrault

Le 6 septembre les déclarations du premier ministre à l’issue du comité interministériel sur Marseille ont fait l’effet d’une bombe. Outre ses annonces en matière de sécurité c’est bien sûr la volonté affichée du premier ministre de « faire cheminer les six intercommunalités vers la Métropole » qui agite depuis le landernau politique et économique. Le déplacement pendant deux jours à Marseille du premier ministre venu consulter élus et partenaires sociaux a fait des vagues. Si certains se félicitent de cette reprise en main de L’Etat d’autres  ont déjà organisé le front du refus. Laurent THERY, préfet chargé du projet de l’agglomération Marseille-Provence récemment nommé aura donc fort à faire.

 


 

Les Pour …

Du coté de l’UPE 13 comme de la CCIMP les « applaudissements » et les « enfin! » ne se sont pas fait attendre suite aux déclarations du premier ministre. Pour Jacques Pfister, le président de la CCIMP c’est un moment historique et surtout la seule façon de sortir de l’impasse : « Il faut aller vite et légiférer avant mars 2013 ». Jean-Luc Chauvin, le président de l’UPE 13, veut lui aussi battre le fer tant qu’il est chaud : « Il nous faut désormais être vigilants sur la mise en œuvre opérationnelle. Nous avons l’annonce, il nous faut l’action. Nous sommes dans l’urgence, la métropole doit être créée dès janvier 2013». Tous veulent d’une façon ou d’une autre être associés à la gouvernance de cette métropole et copiloter certains chantiers stratégiques comme la création d’une autorité organisatrice des transports en priorité. Coté politique Eugène Caselli, le président PS de MPM a été le premier à se dire favorable à la construction d’une vraie métropole de plein droit. Roland Blum, conseiller communautaire UMP de MPM indique la méthode : « N’ayons pas la naïveté de penser que la concertation entre les élus suffira. L’enjeu majeur c’est de faire converger des compétences et moyens financiers vers la métropole et donc de revoir la fiscalité de tout le territoire, les élus des communes concernées ne le feront jamais volontairement c’est évident ! Il faut une loi portée par le gouvernement. Si ce n’est pas fait dans les six mois c’est fichu ». Patrick Mennucci, député PS et maire du premier secteur de Marseille, enfonce le clou dans une lettre envoyée aux présidents socialistes et communistes des intercommunalités concernées: « Est-il ainsi juste, équitable, et efficace que sur un même territoire, la richesse fiscale soit répartie de manière aussi inégalitaire ? Le potentiel fiscal est ainsi de 625€ par habitant à Marseille, 1016€ à Aix en Provence, 2053€ à Fos et 4228€ à Rousset. Et nous savons tous que ces inégalités sont avant tout le fruit d’une histoire, d’une géographie et de décisions d’implantation de grandes entreprises sur lesquelles les élus locaux ont peu de poids. Au nom de quel principe, si ce n’est celui de l’égoïsme et du « chacun pour soi » triomphant, peut-on continuer à défendre un tel état de fait ? Comment des élus, dit « progressistes », peuvent-ils ainsi sciemment préférer l'immobilisme et les inégalités plutôt que le mouvement et la solidarité entre territoires ?». Chez les syndicats de salariés, seules Force Ouvrière et La CFTC à travers la voix de leurs représentants ont fait savoir que la création de la métropole était une étape indispensable pour relancer l’économie locale. Pour Alain Comba de FO « ne pas pouvoir accepter un emploi par faute de transports en commun adéquats, c’est inadmissible ».

 


 

Les contre …

Ils dénoncent  l’hégémonie marseillaise, la création d’une mégapole inhumaine, et une perte de proximité et de pouvoir de décision des élus. Maryse Joissains maire d’Aix-en-Provence mène ce front du refus. C’est elle,  déjà, qui avait il y a quelques mois déclaré dans nos colonnes : « Je ne veux pas qu’Aix devienne un quartier de Marseille », ou encore « nous ne paierons pas la dette de Marseille ». Les élus d’Aubagne, de Salon de Provence, de Martigues et d’Istres lui ont emboîté le pas. Les 12 communes du pays d’Aubagne et de l’Etoile ont poussé la fronde au point de se payer une pub dans la presse locale pour affirmer leur opposition au projet «  Pour nous la métropole c’est toujours non ! ». Déjà en 2010 ces mêmes communes avaient organisé un referendum pour afficher leur refus d’être intégrées dans la métropole.

 


 

L’arbitre

Marylise Lebranchu qui pilote pour le gouvernement la future loi de décentralisation semble déterminée à faire avancer la métropole. En nommant Laurent Théry « préfet délégué à l’agglomération Marseille Provence », ancien directeur d’Euralille, dont il a pu juger de l’efficacité à Nantes, le premier ministre semble lui aussi décidé à faire avancer réellement le dossier même si le mot « métropole » ne figure pas dans le titre de son émissaire. Le passage par un nouveau texte de loi semble désormais indispensable. Sera-t-il exclusif à la métropole « marseillaise » ? Que devra t-il contenir outre la coordination des transports avec la création d’une AOT unique ? Une réorganisation de certaines compétences des collectivités locales notamment en matière de développement économique ? La fiscalité des intercommunalités sera-t-elle bien revue autour d’un pouvoir de décision centralisé? Les questions de rénovation urbaine et donc de politique de logement seront-t-elles vraiment de la compétence de cette nouvelle métropole ? Qui en sera le patron ? Sera-t-il élu au suffrage universel comme le réclament déjà certains pour lui conférer une vraie légitimité démocratique et donc un vrai pouvoir? Les municipales de 2014 approchant tout doit être bouclé un an avant l’échéance électorale. La métropole sera donc bien l’enjeu politique majeur des prochains mois. Pour le PS récupérer dans son escarcelle lors des municipales une grande ville tenue par la droite depuis 18 ans n’est pas un petit objectif. Reste que les inerties et les jeux politiques des alliances et des arrangements avec le ciel risquent fort de perturber le scénario idéal. Nombre d’élus locaux jouent gros, et n’ont pas l’intention de se contenter à l’avenir d’un rôle de maire d’arrondissement pour reprendre les arguments de certains « anti ». On a vu ici avec la reforme portuaire comment les textes de loi pourtant bien pensés peuvent en se confrontant au réel perdre peu à peu de leur substance. Pour autant la modernisation de l’organisation de ce territoire semble bien s’accélérer.

 


 

 

oolive



oolive




Abonnement en ligne
à Businews le Mag