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Tribunal de commerce, interview.


Rédigé le Mercredi 11 Juillet 2012 par oolive




Georges Richelme, Président du Tribunal de commerce de Marseille.

«Les entreprises doivent venir nous voir avant que ça aille mal…»

La crise économique se traduit-elle par une inflation du nombre des affaires que vous traitez ?
Georges Richelme : Globalement non, mais la vague n’est peut-être pas encore arrivée jusqu’à nous. Il y a moins de procédure collective. Cela s’explique aussi par la baisse du nombre de siège sociaux sur notre territoire. Les entreprises ici souffrent globalement d’une sous capitalisation chronique ce qui rend tout incident très dangereux. Les donneurs d’ordres publics ne respectent pas tous la loi LME qui a réduit les délais de paiement, cela met en difficulté quantité d’entreprises qui se voient réclamer rapidement le paiement de factures par leurs fournisseurs alors qu’elles ne seront elles-mêmes payées que beaucoup plus tard par les collectivités locales. 80 % des dépôts de bilan touchent des entreprises de moins de 10 salariés. 

G.R. : Quels sont les secteurs les plus touchés ?
Les PME du bâtiment qui subissent l’augmentation des délais moyens de paiement (jusqu’à 120 jours) et aussi une concurrence déloyale d’entreprises éphémères et peu scrupuleuses qui ne respectent pas le code du travail et arrivent à casser les prix de 30 %. Il est dommage que les architectes et maîtres d’ouvrage fassent parfois en toute bonne foi travailler ces officines. Un phénomène récent, certaines pharmacies qui sont pénalisées par le déremboursement des médicaments et aussi la vente des produits de parapharmacie dans les grandes surfaces. Les sociétés d’intérim, de gardiennage sont également plus en difficulté que les autres. Par ailleurs les dérives du statut d’auto-entrepreneur concernent les entreprises artisanales et d’une certaine façon ont officialisé le travail au noir.

Quel est le rôle du Tribunal de commerce sur ces dossiers ?
G.R. : D’abord de mettre en place des mesures de prévention. Nous avons doublé le nombre de juges en charge de la prévention. Plus de 35 entreprises ont fait la démarche depuis le début de l’année et nous ont sollicités. Plus des deux tiers ont trouvé une issue favorable. J’incite les entreprises à venir nous voir avant que ça aille mal et ne pas attendre que la situation soit intenable. 

Les banques jouent-elles le jeu ou pas dans ces situations ?
G.R. : Les banques ne sont pas toutes à l’aise dans l’accompagnement des entreprises en difficulté. Elles sont plus outillées dans le contentieux classique. En outre je regrette que trop souvent et malgré nos demandes elles se refusent à ouvrir des comptes bis dans les procédures de redressement judiciaire. Une procédure de sauvegarde entraîne systématiquement pour une entreprise la dégradation de sa note à la banque de France. 

Vous voulez redorer le blason du Tribunal de commerce de Marseille et redonner de la fierté aux juges. Vous sentez l’institution menacée ?
G.R. : Les Tribunaux de commerce ont été souvent critiqués en France pendant longtemps. Ce qui fait la réputation d’un tribunal, c’est la qualité de ses jugements, l’expérience de ses juges, leur exemplarité. Depuis 1985 les syndics de faillite n’existent plus les fonctions d’administrateur judiciaire et de représentations des créanciers ne sont pas cumulables il y a eu clarification des métiers. Les dérives c’est essentiellement du passé. Les juges sont bénévoles, ils consacrent beaucoup de temps à cette fonction. Il faut qu’ils se sentent soutenus et respectés comme la juridiction qui a une lourde responsabilité sur la vie économique locale. 

La qualité de la formation des juges a été aussi souvent remise en cause par les magistrats professionnels, votre position ?
G.R. : Peu de juges ont une formation juridique complète. Et c’est normal ce sont avant tout des chefs d’entreprise qui ont une connaissance de la réalité de la vie des affaires et sont donc a même de pouvoir vraiment apprécier les cas qui leur sont soumis. Pour autant ils doivent qualifier leurs décisions en droit. Cela exige une formation. Pendant deux ans lors de leur mandat probatoire ils doivent suivre 9 modules de formation dispensés par l’école nationale de magistrature. Je voudrais rendre ces formations obligatoires et que l’absence de formation devienne un motif de radiation.

Thierry DEBAILLE

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