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​Crise du transport maritime, le pire reste à venir


Rédigé le Mercredi 18 Mai 2022 par Nathalie Bureau du Colombier


Des taux de fret maritimes multipliés par dix, des escales de navires aléatoires, des temps de transit dégradés, une parité euro-dollar défavorable, un crédit documentaire boudé par les exportateurs… Le chaos de la chaîne mondiale d’approvisionnement qui frappe les exportateurs/importateurs, depuis deux ans, ne serait que le début d’un scénario catastrophe à venir selon les experts invités par l’APEX le 17 mai dernier.


Isabelle Frederic, Crédit du Nord, Camille Contamine, Bolloré Logistics, Arnaud Ramanoel, SMC, Stephane Salvetat, STM et Bertrand Simion CMA CGM ©NBC
Isabelle Frederic, Crédit du Nord, Camille Contamine, Bolloré Logistics, Arnaud Ramanoel, SMC, Stephane Salvetat, STM et Bertrand Simion CMA CGM ©NBC
Salle comble ce 17 mai au World Trade Center de Marseille où les exportateurs adhérents de l’Apex ont participé à une table-ronde sur les perspectives du transport maritime qui concentre à lui seul 85% du transport mondial de marchandises. 
Un sujet central pour Jean-Yves Bateman, successeur de Nathalie Hagege à la présidence de l’Apex le 30 juin prochain. Fondateur de Batimex, il a décrypté, avec un panel de banquiers, de transitaires et d’armateurs ces deux années complètement erratiques, nourri de sa propre expérience professionnelle. 
Depuis 2020, le fabricant de luminaires et d’articles de jardin subit la hausse vertigineuse des taux de fret, les pénalités de retard des centrales d’achat de la grande distribution, les surestaries qui, au bout du compte, rendent « invendable un salon de jardin » plombé par un surcoût de transport de 200 €. « La hausse des taux de fret réduit nos marges, gèle nos investissements et nos recrutements. J’avais l’habitude d’un Hong Kong-Fos en 21 jours, désormais le transit time atteint 60 jours », déplore Fabien Jacques, directeur des achats import de Blachère Illumination, basé à Apt. Que dire de la ponctualité des navires qui a chuté de 70 à 6% en 2021 sur le terminal d’Eurofos ! 

Crédits documentaires en chute libre

En 2021, seulement 6% des navires respectent leurs ETA au terminal Eurofos. ©NBC
En 2021, seulement 6% des navires respectent leurs ETA au terminal Eurofos. ©NBC
Pas de retour en arrière possible. La situation risque au contraire de s’aggraver, selon les premiers signaux. Arnaud Ramanoel, directeur du pôle commerce extérieur de la Société Marseillaise de Crédit, annonce une chute de 35% de l’ouverture des crédits documentaires, un très mauvais indicateur pour le commerce international. Il s’inquiète également de la capacité des entreprises à rembourser les PGE qui arrivent à échéance le 30 juin. « Le transport de marchandises est le poste qui a le plus augmenté. Cela nécessite un accompagnement des banques », complète Arnaud Ramanoel. 
C’est du côté du témoignage du directeur des lignes de CMA CGM que les perspectives sont les plus inquiétantes avec l’annonce d’un retournement de conjoncture. « Le marché va commencer à baisser. La consommation va ralentir mais nous ne savons pas quand. Sur le court terme, les prévisions sont fortes sur 2022 avec beaucoup de fret à exporter pour Noël. Les prévisions à long terme sont très négatives et nous redoutons des événements imprévus comme la guerre russo-ukrainienne dans un contexte où nos coûts ont augmenté de 30 à 40% », analyse Bertrand Simion qui redoute également les négociations cet été avec les dockers de la côte ouest des États-Unis. Le déclenchement de la guerre par la Russie le 27 février, le confinement de la Chine depuis le 28 mars et l’arrivée de nouveaux variants tend encore un peu plus la situation.  
 

Menaces de secousses sociales dans les ports américains et français

« Nous devons faire et refaire pour esquiver les points de congestion avec des escales supplémentaires et des repositionnements de conteneurs vides », explique Bertrand Simion. Muriel Benoît, directrice des grands comptes de Bolloré Logistics dénonce le phénomène d’annulations d’escales qui impose au transitaire une vraie agilité pour trouver des solutions à ses clients à moindres frais. De son côté, Stéphane Salvetat, président du Syndicat des Transitaires de Marseille, s’inquiète également de la poursuite de la réforme des retraites par le nouveau gouvernement Macron, rappelant le mouvement social de 2019-2020 dans les ports français. Ce spécialiste de la Turquie, note une croissance de 23 % des exportations en sortie des ports et aéroports turcs, portées par le phénomène de relocalisation des sociétés européennes. « Nous ressentons un frémissement. Les relocalisations prennent beaucoup de temps. Elles supposent de se fournir en matière première », précise Isabelle Frederic, directrice clientèle corporate et commerce au Crédit du Nord. « La Turquie se développe de manière exponentielle en réponse à la volonté de chercher des solutions alternatives. En revanche, 70% des sociétés américaines n’ont pas l’intention de modifier leurs sources d’approvisionnement en Chine au cours des cinq prochaines années », précise Bertrand Simion. 
Pour Jean-Yves Bateman, la crise n’est pas terminée, les exportateurs resteront confrontés aux nouveaux sourcings, au challenge environnemental, aux confinements et aux taux de fret stratosphériques.   




Nathalie Bureau du Colombier




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